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à ses sujets une complète liberté de conscience, eine volkcommene Gewissensfreiheit ; ce seraient là ses paroles mêmes. Pourtant, avec cet esprit vif, inquiet, fantasque, on ne saurait être sûr de rien ; le roi de Prusse avait peut-être oublié le lendemain les paroles qu’on lui attribue. Ce qu’il y a de certain, c’est que les réunions de Stolzenfels devaient être plus efficaces que les entrevues de Munich, et que l’influence du prince de Metternich sur Frédéric-Guillaume a été plus rapide et plus forte que ne le sera jamais celle du prince Louis. Comment ne pas reconnaître l’esprit de la cour de Vienne dans la politique suivie en ce moment ? On parlait hier d’accorder une liberté absolue de conscience, et tout à coup on restreint les libertés présentes.

Je remarque pourtant une chose bien significative : les dissidens catholiques continuent d’être traités avec indulgence, les vieux luthériens ont été reconnus comme une église distincte ; il n’y a que les amis des lumières qui soient interdits et poursuivis partout. On a vu que le plus grand danger était là. Danger ou non, c’est là du moins la question capitale, le grave et terrible problème ou se résument en quelque sorte tous les embarras, toutes les difficultés que nous venons d’exposer. Que demandent les amis des lumières ? L’abolition d’un symbole que la loi civile leur impose, le droit de décréter eux-mêmes leur croyance, par conséquent la révision du contrat qui unit l’église et l’état, la séparation du spirituel et du temporel, et l’indépendance absolue de la conscience religieuse. Ce qu’ils veulent, presque tous les partis le veulent comme eux ; ce qu’ils demandent au nom de la libre pensée, d’autres le demandent au nom de la foi exaltée ; chacun y trouve son intérêt et son triomphe. Ce problème a pris des proportions formidables, et c’est là en effet que se porte désormais toute l’attention des gouvernans. Ces nouveaux catholiques si infatués de leur célébrité d’un jour, les voilà oubliés maintenant ; il n’est plus question d’eux. M. Ronge est allé récemment à Stuttgard pour y présider un concile : quel concile ! quelle misère ! Les nouveaux catholiques pourront être défendus ici, tolérés là ; ils pourront se répandre en Prusse et pénétrer secrètement en Bavière, peu importe ce qu’ils feront, leur œuvre est finie ; ils n’auront servi qu’à frayer la route, sans le savoir, au parti redoutable qui maintenant occupe tout seul la scène. Nous avions cru nous occuper d’un schisme au sein du catholicisme ; or, ce que nous rencontrons, c’est la discorde des églises protestantes, c’est une guerre ouverte entre la conscience religieuse