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Mon dominicain insista tellement pour que je visse les apprêts du « petit pendement pien choli » que je ne pus m’en défendre. J’allai voir le prisonnier, muni d’un paquet de cigares qui, je l’espérais, devaient lui faire excuser mon indiscrétion.

On m’introduisit auprès de don José, au moment où il prenait son repas. Il me fit un signe de tête assez froid, et me remercia poliment du cadeau que je lui apportais. Après avoir compté les cigares du paquet que j’avais mis entre ses mains, il en choisit un certain nombre, et me rendit le reste, observant qu’il n’avait pas besoin d’en prendre davantage.

Je lui demandai si, avec un peu d’argent, ou par le crédit de mes amis, je pourrais obtenir quelque adoucissement à son sort. D’abord il haussa les épaules en souriant avec tristesse ; bientôt, se ravisant, il me pria de faire dire une messe pour le salut de son âme. — Voudriez-vous, ajouta-t-il timidement, voudriez-vous en faire dire une autre pour une personne qui vous a offensé ?

— Assurément, mon cher, lui dis-je ; mais personne, que je sache, ne m’a offensé en ce pays.

Il me prit la main et la serra d’un air grave. Après un moment de silence, il reprit : — Oserai-je encore vous demander un service ?… Quand vous reviendrez dans votre pays, peut-être passerez-vous par la Navarre ? au moins vous passerez par Vittoria, qui n’en est pas fort éloignée.

— Oui, lui dis-je, je passerai certainement par Vittoria ; mais il n’est pas impossible que je me détourne pour aller à Pampelune, et, à cause de vous, je crois que je ferais volontiers ce détour.

— Eh bien ! si vous allez à Pampelune, vous y verrez plus d’une chose qui vous intéressera… C’est une belle ville… Je vous donnerai cette médaille (il me montrait une petite médaille d’argent qu’il portait au cou), vous l’envelopperez dans du papier… il s’arrêta un instant pour maîtriser son émotion… et vous la remettrez ou vous la ferez remettre à une bonne femme dont je vous dirai l’adresse. — Vous direz que je suis mort, vous ne direz pas comment.

Je promis d’exécuter sa commission. Je le revis le lendemain, et je passai une partie de la journée avec lui. C’est de sa bouche que j’ai appris les tristes aventures qu’on va lire.

Je suis né, dit-il, à Elizondo, dans la vallée de Baztan. Je m’appelle don José Lizarrabengoa, et vous connaissez assez l’Espagne, monsieur, pour que mon nom vous dise aussitôt que je suis Basque et