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conséquence ; la cause était dans une erreur de l’ouïe qui l’entraînait à commettre toutes sortes d’actions dégradantes. La maladie avait été mal étudiée, et le diagnostic était faux ; il eût fallu dire : Imbécillité greffée sur une hallucination.

Le troisième cas se rapporte à un commissionnaire. Cet homme se chargeait pour rien des fardeaux les plus pesans, et les conservait tout le jour sur son dos. On n’avait vu dans cet acte qu’une extravagance ; nous soupçonnâmes qu’il pouvait bien y avoir la une hallucination. Notre doute fut bientôt confirmé. Cet homme croyait porter des trésors. Plus sa charge était lourde, plus il suait, peinait, soufflait, et plus il se montrait content, car c’était une preuve que ses richesses étaient considérables. Nous découvrîmes ce portefaix dans un hospice, où il marchait continuellement le long des arbres, le dos courbé. Quand on l’occupait aux soins de la maison, il s’y prêtait de bon cœur, mais avec un visage triste, tandis que, quand on l’employait à porter quelque fardeau, il s’en chargeait avec une joie extrême. A force de placer sur ses épaules le bien et les effets des autres, le pauvre homme avait fini par y sentir le poids de sa propre fortune.

Les hallucinés de la seconde classe, c’est-à-dire ceux chez lesquels l’hallucination n’est qu’une dépendance du délire général, sont sans contredit les plus nombreux. C’est surtout chez ces derniers que la forme du phénomène oppose à l’étude une résistance qui vient de son intarissable variété. Le seul ordre que nous ayons pu observer dans un tel désordre, c’est que chez certains malades les images se renouvellent dans le délire d’une manière décousue et agitée, tandis que chez d’autres elles s’arrêtent devant le cerveau fixes, immobiles, inexorables. Le plus souvent les hallucinations et les illusions se transforment perpétuellement les unes dans les autres. Le malade crée tout autour de ses fausses sensations un monde imaginaire ; les hommes deviennent des animaux, les animaux des hommes ; il confond une personne avec une autre et revêt tous ces objets de figures chimériques. Ce voile jeté sur la nature en trouble si bien les formes, que le monde extérieur a beau poser devant les yeux du malade, c’est toujours en lui-même qu’il voit.

Quand l’hallucination suit la trace générale du délire, elle se plaît le plus souvent à renouveler la présence d’objets assortis à la nature même de la maladie. Chez les femmes hystériques, par exemple, le cerveau est très souvent assiégé d’images fort incommodes. Presque toutes celles que nous avons rencontrées dans l’hospice de la Salpêtrière et ailleurs se plaignent d’avoir autour d’elles des hommes, il