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le bill fut adopté à la presque unanimité, et devint loi de l’état.

Cependant le procès d’O’Connell et de ses amis avait recommencé presque sans bruit, et à la fin de mai, après de longs et fastidieux débats, le grand agitateur avait été condamné à une année d’emprisonnement et à 2,000 liv. d’amende. Le lendemain, la condamnation s’exécutait paisiblement, et l’Irlande voyait avec surprise, mais sans résistance, renfermer dans une maison de force l’homme de son choix, celui que depuis si long-temps elle investissait d’une sorte de royauté morale, ou, pour mieux dire, de pontificat souverain. Il y avait dans un tel dénouement un cruel démenti aux prédictions des whigs et des radicaux anglais, qui si souvent avaient annoncé que l’emprisonnement d’O’Connell serait le signal d’une insurrection universelle. Il y avait aussi un fâcheux affaiblissement pour O’Connell., qui se trouvait frappé d’impuissance et déchu de son inviolabilité prétendue. Le gouvernement, à la vérité, rendait sa prison aussi douce que possible, et il pouvait y recevoir, outre sa famille et ses amis particuliers, des députations venues des différens points du pays ; mais une semblable tolérance était un signe de force plutôt que de faiblesse, et il n’en restait pas moins vrai qu’après avoir promis cent fois de battre tous les légistes de l’Angleterre, O’Connell, battu par eux, se trouvait jugé, condamné, emprisonné. Si une dernière ressource lui restait, l’appel pour violation des formes légales devant la chambre des lords, il n’avait lui-même dans cette ressource aucune espèce de confiance. Tout paraissait donc terminé au moment où le parlement s’ajourna, et dans cette lutte difficile sir Robert Peel semblait avoir remporté la plus complète des victoires.

C’est là pourtant que l’attendait un échec grave, et qui l’eût été bien plus sans les circonstances honorables, glorieuses même, dont cet échec fut accompagné. La chambre chargée de juger O’Connell en dernier ressort se composait, pour les deux tiers au moins, de membres qui le regardaient comme coupable, et qui désiraient vivement prêter force au cabinet ; de plus, sur huit juges anglais qui, selon l’usage, avaient exprimé publiquement leur avis, six pensaient que le jugement devait être confirmé. Au point de vue légal, au point de vue politique, tout donc semblait assurer la condamnation, et O’Connell n’en doutait pas plus que sir Robert Peel. Qu’arriva-t-il cependant ? On le sait, et, si je le répète ici, c’est que, pour l’honneur des pays libres, de tels exemples ne sauraient être trop souvent cités. La juridiction de la chambre les lords, juridiction exceptionnelle et