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sucres coloniaux à 20 sh., et le droit sur les sucres provenant du travail libre à 30 et 34 sh., selon certaines classifications. Entre les deux sucres, la différence paraissait être la même, le consommateur y gagnant 4 sh.

Une telle proposition n’avait certes rien de grave. Aussi les tories dissidens s’y rallièrent-ils avec joie dans l’espoir de faire subir au premier ministre un échec sans conséquence. Par la même raison, et en outre parce qu’il s’agissait d’une réduction de droits, l’opposition presque entière appuya l’amendement, qui, malgré les efforts du chancelier de l’échiquier, passa à 241 voix contre 221. Dans d’autres circonstances, il est probable que sir Robert Peel eût cédé : les revenus de 18433-44 avaient dépassé notablement ceux de 1842-43, le budget de 1844-45 se présentait favorablement, et une réduction de 4 sh. par quintal de sucre n’avait rien d’effrayant pour le trésor ; mais la conduite des tories dissidens dans cette affaire révélait des sentimens, des intentions, des projets sur lesquels on ne pouvait plus s’abuser. Sir Robert Peel résolut de mettre ses faux amis au pied du mur, et de briser d’un coup l’esprit de révolte qui travaillait son armée. Contre l’attente générale, il déclara donc froidement, péremptoirement, qu’il maintenait le chiffre de 24 sh., et qu’il offrirait à la chambre le moyen de revenir sur sa détermination. En même temps, il fit répandre le bruit de sa retraite prochaine, et provoqua une réunion au Carlton-club club tory pour en délibérer.

Tel était l’état de choses quand, le 17 juin, sir RoBert Peel, au milieu d’une chambre nombreuse et agitée, se leva pour expliquer sa conduite et pour faire connaître ses résolutions. « L’amendement de M. Miles lui paraissait mauvais commercialement, financièrement, et à ce titre seul il se croyait obligé de le combattre ; politiquement, il était bien plus mauvais et bien moins acceptable encore. Au sujet de cet amendement Une coalition s’était formée entre les adversaires habituels du ministère et une portion de ses défenseurs Or il y avait là un détestable exemple, un exemple funeste, et qui ne manquerait pas de se renouveler, si le cabinet cédait. » Dans un langage à la fois modeste et fier, sir Robert Peel alors rappela les lois qu’il n’avait pu faire passer, les échecs qu’il avait subis, et qui laissaient le cabinet dans une situation peu enviable. Puis, comme un autre ministre, mais plus sérieusement, il déclara qu’un appui médiocre ne pouvait lui suffire, et que, pour gouverner honorablement, utilement, il avait besoin d’être énergiquement soutenu. Le vote actuel devait décider la question.