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tenu compte de ses injures, c’est que l’honorable membre prétendait alors agir en ami. Il vient de jeter le masque et de se placer vis-à-vis du cabinet dans sa vraie position. Il est dès-lors libre de parler, de voter comme il lui plaira. Je lui promets d’avance de n’y faire aucune attention. »

Il est remarquable qu’après un tel débat la motion de M. Ducombe, qui proposait d’appeler à la barre le directeur des postes pour violation des privilèges de la chambre, ait été appuyée par plusieurs tories, par M. Milnes entre autres, et que cette motion n’ait succombé qu’à 188 voix contre 113 ; encore fallut-il, pour que la majorité fût aussi forte, l’appui de lord John Russell, qui, au grand regret de ses amis, vota pour le cabinet.

Si, dans cette question tout-à-fait exceptionnelle, la mauvaise humeur des tories dissidens avait apparu, elle se manifesta clairement au sujet d’une double motion de M. Cobden et de M. Miles. M. Cobden, on le sait, est le chef réel de la ligue et de cette portion du parlement qui, préoccupée d’une seule question, celle de la liberté commerciale, reste étrangère à toutes les combinaisons de parti, et vote pour le ministère ou pour l’opposition, selon que le ministère ou l’opposition lui paraît dans la bonne voie. M. Miles, au contraire, est un des chefs du parti agricole, de celui qui déplore les réformes des dernières années, et qui maudit sir Robert Peel tout en le suivant. Or, dès le début le la session, M. Cobden avait imaginé de proposer au parti agricole de s’unir à lui pour obtenir une vaste enquête, une enquête publique sur l’état de l’agriculture en Angleterre. Après quelques momens d’hésitation, M. Miles s’y était refusé, ce qui avait fourni à sir Robert Peel l’occasion de railler assez agréablement la nouvelle entente cordiale. Un peu plus tard, M. Cobden revint à la charge sans plus de succès. Les whigs appuyèrent sa motion, le ministère s’y opposa, le parti agricole vota contre, de sorte qu’elle fut en définitive rejetée par 213 vois contre 121 ; mais deux jours après le parti agricole, à son tour, par l’organe de M. Miles, dit son mot, et fit une motion dont le résultat devait être « d’appliquer l’excédant du revenu aux besoins de l’agriculture. » On comprend que cette motion dut être combattue par sir Robert Peel comme par lord John Russell. S’adressant alors aux mécontens du parti agricole, M. d’Israëli se leva, et, dans un discours constamment soutenu par les applaudissemens, par les rires de l’opposition, il rappela qu’en 1836 lord Chandos (aujourd’hui duc de Buckingham) avait fait une motion semblable qui était devenue le sujet d’une grande lutte de parti. Puis, énumérant