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Dans la majorité, au contraire, se trouvaient unis tous les hommes éclairés et vraiment politiques des deux partis, tous ceux qui ont gouverné ou qui peuvent être appelés à gouverner l’Angleterre.

Par ce vote de la chambre, la question était virtuellement décidée, et dans tout autre pays l’agitation eût cessé ; mais on est plus persévérant en Angleterre, surtout quand l’esprit religieux est en mouvement. L’adoption de la première lecture ne fit donc que redoubler la fureur protestante, et cette fureur eut pour organes passionnés à peu près tous les journaux tories. Est-il besoin de dire que le Times, toujours à l’affût du sentiment populaire, fut celui de tous qui se déchaîna le plus violemment contre sir Robert Peel ? Un jour, c’est M. d’Israëli que le Times montrait « un scalpel à la main, enlevant avec dextérité la peau de sir Robert Peel, mettant à nu ses nerfs et ses muscles, puis l’exposant, comme une anatomie vivante, à la pitié, au dégoût des spectateurs. » Un autre jour, c’est M. Macaulay, « le grand essayist dont sir Robert Peel était devenu le thème par anticipation, et qui donnait au premier ministre le triste plaisir de lire son épitaphe avant le temps. » — Peel agit, ajoutait le Times ; Macaulay décrit, sans faire grace à « son modèle d’un sourire ou d’une grimace, d’un tour de passe-passe ou d’une gambade. — Le premier ministre, disait le même journal, a pour ses compatriotes autant de sympathie et de respect que le chasseur pour le daim, que le pêcheur pour la truite, que le boucher pour les agneaux qu’il égorge, que le destructeur d’animaux nuisibles pour les êtres méprisables qu’il poursuit. Est-il donc vrai que l’Anglais soit, comme il le pense, un animal stupide, bon tout au plus à donner au premier venu, chair, cuir et laine à la fois ? À aucune époque, sous aucun ministère, l’Angleterre n’a été ainsi traitée. Peel est une nouveauté. Il a inventé le gouvernement par déception. » Le Times prédisait ensuite que sir Robert Peel périrait dans la tempête soulevée par lui. « Quelles que soient les folies, quels que soient les vices même du protestantisme dans ses mille variétés, le principe en est indestructible comme le sentiment. C’est la pierre de touche de la foi bretonne. Le Maroto du parti conservateurs s’y brisera certainement »

J’ai cité ces fragmens du Times parce qu’ils peuvent donner une idée du ton de la presse tory à l’égard de sir Robert Peel. Le Post, le John Bull, le Britannia, allaient encore plus loin, s’il est possible, et empruntaient aux saintes Écritures les anathèmes dont ils écrasaient sir Robert Peel. Le moment était venu, selon ces journaux, de prendre la Bible pour unique étendard, et de rapporter religieusement