Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 12.djvu/443

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Depuis ce moment, la force des positions prises et l’ardeur de la lutte maintinrent la séparation, sans que le fond des cœurs en fût sensiblement modifié. Tout était donc prêt, non pour une coalition de personnes, mais pour un rapprochement d’idées et d’opinions. C’est à cette disposition que s’adressa sir Robert Peel, et c’est elle qui dans la lutte, le servit si puissamment.

Quoi qu’il en soit, après avoir rallié tous les hommes éminens de son parti, après avoir dompté ceux qui, depuis dix-huit mois, tendaient sans cesse à s’insurger contre lui, après avoir enlevé à l’opposition ses meilleures armes et ses argumens les plus forts, sir Robert Peel restait maître du champ de bataille et terminait glorieusement la session. C’était un grand succès. Reste à savoir d’une part si ce succès doit être durable, de l’autre si, pour l’obtenir, sir Robert Peel a mérité les graves reproches qui lui sont adressés. Avant de résoudre cette double question, il convient de jeter un coup d’œil rapide sur l’état des trois royaumes depuis la clôture de la session.

En Angleterre, après deux débordemens formidables ; celui du surplis et celui de Maynooth, les passions religieuses semblent à peu près rentrées dans leur lit. De temps en temps, on entend encore quelques bruits sourds, aujourd’hui dans les profondeurs d’Exeter-Hall, demain sur les hauteurs des conférences wesléiennes. De temps et temps aussi, certains journaux sonnent le glas du protestantisme et appellent les vengeances divines et humaines sur la tête de Judas Peel ; mais l’opinion publique, en est peu agitée, et d’autres intérêts ont repris le dessus. On aurait pourtant tort de regarder la question religieuse comme morte ; elle est seulement assoupie, et il faudrait peu de chose pour la réveiller de nouveau. On en a eu récemment une preuve singulière. Vers la fin de la session, M. Thesiger, nommé attorney-général en remplacement de sir William Follett, décédé, M. Fitzroy Kelly, nommé sollicitor-général en remplacement de. M. Thesiger, avaient eu grand’ peine à défendre leur vote en faveur de Maynooth, l’un à Abington, l’autre à Cambridge, et n’avaient été réélus qu’à de très faibles majorités ; mais c’était au fort du débat devant des collèges tories. Le collège de Southwark, devenu vacant par la mort de sir Benjamin Wood, est au contraire un collège très radical, et l’élection avait lieu plus d’un mois après la session. Cependant peu s’en est fallu que le candidat tory, M. Pilcher, qui se prononçait contre Maynooth, ne l’emportât sur sir William Molesworth, candidat radical, qui très noblement déclarait que, membre de la chambre, il eût voté pour le bill. Ce n’est pas tout : un troisième candidat,