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M. Myall, plus radical que M. Molesworth, et rédacteur du journal des dissidens, le Non-Conformiste, avait surgi et s’appuyait comme M. Pilcher de son antipathie contre Maynooth. Sait-on ce qu’il imagina ? De faire un crime à M. Molesworth d’avoir été l’éditeur des œuvres de Hobbes, cet écrivain impie. Partout ailleurs on eût répondu à M. Myall que les opinions religieuses de Hobbes, et même de son éditeur, ne regardaient personne ; mais la réponse eût été mal prise, et sir William Molesworth se vit obligé, de disserter longuement sur Hobbes et de soutenir qu’on ne pouvait trouver dans tous ses ouvrages un seul passage anti-chrétien. C’est en donnant ainsi Hobbes un brevet de christianisme que William Molesworth triompha de ses adversaires réunis, et fut enfin élu à 1,942 voix contre M. Pilcher 1172, et M. Myall 353.

Je le répète, les questions religieuses dorment en ce moment en Angleterre, mais d’un sommeil, léger, et que troublera le plus petit incident. En attendant, les questions industrielles, un instant négligées, recommencent à occuper les esprits. J’ai, en 1843, parlé longuement de la ligue et de ses efforts si constans et si bien combinés[1]. Depuis cette époque, bien qu’elle ait peut-être fait un peu moins de bruit, elle est loin d’avoir décliné. Ainsi, en 1843-44, elle avait recueilli par voie de souscription 50,000 liv. sterl. à peu près. Elle a recueilli 116,000 livres en 1844-45. Et ce n’est plus seulement à tenir des meetings, à répandre des journaux, à expédier des brochures sur tous les points du royaume, que cet argent est consacré ; une idée plus féconde, plus hardie, est venue à M. Cobden et se pratique aujourd’hui. Cette idée, c’est non seulement de surveiller avec soin la révision des listes électorales, mais encore de mettre la loi à

  1. Voyez la Revue du 15 décembre 1843. — Si l’on veut connaître à fond l’organisation et les idées de la ligue, il faut lire un intéressant ouvrage publié par M. Frédéric Bastiat. Comme tous les hommes qu’une seule idée préoccupe, M. Bastiat reproche à la presse française de garder un silence systématique sur la ligue, et comprend peu qu’en présence de cette grande campagne en faveur de la liberté commerciale, on s’occupe encore de l’agitation irlandaise ou des querelles internationales. Puis, dans l’impossibilité où il est d’expliquer un fait, si singulier à ses yeux, M. Bastiat s’en prend à je ne sais quelle coalition de l’esprit de monopôle et de l’esprit de parti. Il suffit, je pense, de répondre à M. Bastiat que la presse française a très souvent cité les travaux le la ligue, et que la question de la liberté commerciale, tout importante qu’elle est, n’est pas la seule dans le monde. Malgré cette légère erreur, le livre le M. Bastiat mérite à tous égards d’être lu, et l’on doit désirer que l’auteur continue à tenir la France au courant d’un mouvement aussi considérable que curieux.