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porte ouverte ; la bonne compagnie n’était pas nombreuse, et se bornait, pour chaque cercle, à une fournée d’ennuyeux qu’on supportait à la rigueur. Nous sommes tombés dans la société ; dès qu’on reçoit, on reçoit tout Paris, et tout Paris, au temps où nous sommes, c’est bien réellement Paris tout entier, ville et faubourgs. Quand on est chez soi, on est dans la rue. Il fallait bien trouver un remède ; de là vient que chacun a son jour. C’est le seul moyen de se voir le moins possible, et quand on dit : Je suis chez moi le mardi, il est clair que c’est comme si on disait : Le reste du temps, laissez-moi tranquille.

LE COMTE

Je n’en ai que plus de tort de venir aujourd’hui, puisque vous me permettez de vous voir dans la semaine.

LA MARQUISE

Prenez votre parti et mettez-vous là. Si vous êtes de bonne humeur, vous parlerez ; sinon, chauffez-vous. Je ne compte pas sur grand’ monde aujourd’hui, vous regarderez défiler ma petite lanterne magique. Mais qu’avez-vous donc ? vous me semblez…

LE COMTE

Quoi ?

LA MARQUISE

Pour ma gloire, je ne veux pas le dire.

LE COMTE

Ma foi, je vous l’avouerai ; avant d’entrer ici, je l’étais un peu.

LA MARQUISE

Quoi ? je le demande à mon tour.

LE COMTE

Vous fâcherez-vous si je vous le dis ?

LA MARQUISE

J’ai un bal ce soir où je veux être jolie ; je ne me fâcherai pas de la journée.

LE COMTE

Eh bien ! j’étais un peu ennuyé. Je ne sais ce que j’ai ; c’est un mal à la mode, comme vos réceptions. Je me désole depuis midi ; j’ai fait quatre visites sans trouver personne. Je devais dîner quelque part ; je me suis excusé sans raison. Il n’y a pas un spectacle ce soir. Je suis sorti par un temps glacé ; je n’ai vu que des nez rouges et des joues violettes. Je ne sais que faire ; je suis bête comme un feuilleton.

LA MARQUISE

Je vous en offre autant ; je m’ennuie à crier. C’est le tems qu’il fait, sans aucun doute.