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LE COMTE, de même.

Non, sur l’honneur, je parle du fond de l’ame. Je conviendrai, tant vous voudrez, que j’étais entré ici sans dessein ; je ne comptais que vous voir en passant, témoin cette porte que j’ai ouverte trois fois pour m’en aller, et que je vous supplie, à mon tour, de fermer. La conversation que nous venons d’avoir, vos railleries, votre froideur même, m’ont entraîné plus loin que je ne le devais peut-être ; mais ce n’est pas d’aujourd’hui seulement, c’est du premier jour où je vous ai vue, que je vous aime, que je vous adore ; je n’exagère pas en m’exprimant ainsi ; oui, depuis plus d’un an, je vous adore, je ne songe…

LA MARQUISE

Adieu.

(La marquise sort, et laisse la porte ouverte.) - LE COMTE, demeuré seul, reste un moment encore à genoux, le front appuyé sur sa main, puis il se lève et dit :

C’est la vérité que cette porte est glaciale.

(Il va pour la fermer, et voit la marquise.)
LE COMTE

Ah ! marquise, vous vous moquez de moi.

LA MARQUISE, appuyée sur la porte entr’ouverte

Vous voilà debout ?

LE COMTE

Oui, et je m’en vais pour ne plus jamais vous revoir.

LA MARQUISE

Venez ce soir au bal, je vous garde une valse.

LE COMTE

Jamais, jamais je ne vous reverrai ; je suis au désespoir, je suis perdu.

LA MARQUISE

Qu’avez-vous ?

LE COMTE

Je suis perdu, je vous aime comme un enfant. Je vous jure sur ce qu’il y a de plus sacré au monde…

LA MARQUISE

Adieu. (Elle veut sortir.)

LE COMTE

C’est moi qui sors, madame ; restez, je vous en supplie. Ah ! je sens combien je vais souffrir !

LA MARQUISE, d’un ton sérieux.

Mais, enfin, monsieur, qu’est-ce que vous me voulez ?