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REVUE MUSICALE.




Le Théâtre-Italien, en ouvrant ses portes chaque année aux premiers jours d’automne, semble avoir le charmant privilège d’éveiller dans un certain monde une foule d’émotions qui, en dehors de lui, n’existent pas. L’Académie royale même, alors qu’on y chantait encore, n’a jamais rien connu de cette jouissance exquise de ce raffinement singulier. Il n’y a de dilettantisme qu’aux Bouffes ; là seulement on sait se passionner avec intelligence, là seulement le public vit au-dessus des influences de coterie et de journaux, et se prend à peser en conscience les défauts et les qualités de chacun : non que ce public soit infaillible et qu’il ne lui arrive point çà et là de se tromper dans ses adoptions comme dans ses antipathies ; mais du moins ne peut-on nier que les choses se passent avec convenance et mesure, et qu’on se trouve toujours disposé à revenir sur un arrêt porté à la légère. Puis, le mérite une fois reconnu, que de transports et d’ovations ! Les bravos éclatent d’eux-mêmes, les couronnes tombent aux pieds de l’heureux triomphateur, qui voit, prodige inoui partout ailleurs, les femmes applaudir a son succès de leurs petites mains de satin blanc ouaté de taffetas rose, pour me servir du jargon aristocratique de la comtesse Hahn-Hahn. De la Grisi ou de la Persiani, laquelle préférez-vous ? Tenez-vous pour Moriani ou pour M. de Candia ? N’aimez-vous peux Ronconi que Tanburini ? Et pensez-vous que le maestro Verdi soit destiné à détrôner cet hiver M. Donizetti ? Graves questions qu’on effleure en passant de sa loge au péristyle, quitte à les reprendre plus tard autour de la table de thé. En effet, ces causeries musicales, ces mille riens qui font le charme et la vie de la saison d’hiver à Paris, attendent pour éclore le retour de la troupe italienne.