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n’y avoir rien découvert qui pût l’engager envers son peuple ; il niait même que ce titre pût avoir une valeur quelconque, et être invoqué désormais. « L’ordonnance de 1815 a été abrogée, disait-il, et la loi du 5 juin 1823, en constituant les états provinciaux, lui a enlevé à jamais l’autorité qu’on s’obstine faussement à lui attribuer encore. » Une telle décision, après tant de paroles contraires, est un évènement bien grave ; c’est presque un coup d’état. Ainsi, au bout de six mois de règne, tout était changé ! les engagemens acceptés étaient rompus ! et le parti constitutionnel, si vivement réveillé par l’avènement du roi, si encouragé par ses pathétiques promesses, voyait tout à coup déchirer entre ses mains les titres qu’on avait reconnus la veille !

La question était de savoir si ce coup d’état s’accomplirait sans résistance. Chose singulière ! à cette date où nous sommes, au mois de mars 1841, le parti libéral, en Prusse, se trouve exactement dans la même situation où il était vers 1823. C’est à partir de 1815 que les réclamations se font entendre, l’année 1817 surtout est signalée par des manifestes très explicites, puis arrive la réaction anti-libérale qui éclate à la diète en 1819, et s’impose à toute l’Allemagne ; Frédéric-Guillaume III retire peu à peu ses promesses, et, le 5 juin 1823, la loi qui établit les états provinciaux semble le plus grand effort de ce gouvernement ; la constitution promise est indéfiniment ajournée. Voyez maintenant ce qui s’est passé depuis le nouveau règne. Les espérances se réveillent en 1840 ; le roi et les députés des villes s’entretiennent avec confiance ; de part et d’autre, on parle de concourir à la grande œuvre commune, au développement politique de la patrie ; l’ordonnance de 1815 est rappelée avec enthousiasme ; six mois à peine s’écoulent, et voilà cette ordonnance de 1815 contestée par la couronne, voilà la loi de 1823 proclamée comme l’unique engagement qu’elle accepte ! Qu’est-ce à dire ? et que va-t-il se passer ? Après la loi de 1823, l’opinion publique avait consenti à garder le silence, on respectait l’âge du vieux roi ; l’évènement de Francfort, la fête de Hambach, attestaient bien la colère qui grondait sourdement, mais les bons esprits, les sérieux défenseurs de la cause libérale, avaient ajourné leurs réclamations. Eh bien ! Frédéric-Guillaume IV a-t-il compté, en 1841, sur un nouvel effort de la patience publique ? A-t-il espéré que l’opinion, si vivement remuée, contiendrait ses justes plaintes, comme elle avait pu les contenir, il y a vingt ans, en présence d’un roi vénérable par son âge et sacré de nouveau par l’infortune ? S’il a eu cette pensée, il n’a pu la garder long-temps : l’attitude des partis, certainement, l’aura détrompé bien vite.