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police que comporte leur puissante hiérarchie. L’autre transforme les curés en courtiers d’abonnemens et devient dès-lors illusoire pour tout journal qui ne subit pas le patronage du clergé.

Voilà comment le clergé belge débutait dans la vie constitutionnelle. On pouvait l’accuser déjà de n’avoir éparpillé, affaibli l’action politique que pour l’absorber plus aisément ; mais tous les soupçons de ce genre furent d’abord imputés aux haines des orangistes. Il en coûtait à certains libéraux de renoncer sitôt aux illusions néo-catholiques de 1830. Les plus défians crurent le clergé d’autant plus dévoué au maintien des nouvelles libertés, qu’il en accaparait presque tous les bénéfices à lui seul. Un incident prouva bientôt que les libéraux avaient doublement tort, et que les orangistes eux-mêmes étaient bien au-dessous de la vérité : le clergé belge adhéra en masse, sauf de muettes exceptions, à la fameuse encyclique du 18 septembre 1832, qui réprouvait les doctrines de MM. de Lamennais et Lacordaire, c’est-à-dire son propre programme de 1830-31.

Cette nouvelle attitude du clergé était fort significative. L’encyclique taxait d’absurde et souverainement injurieuse pour l’église toute idée d’une certaine restauration ou régénération de l’église, en d’autre termes l’alliance du catholicisme et de la liberté. Admettre que l’église s’abdiquât elle-même par ce manifeste de son chef devenait impossible : c’était donc à la liberté de s’effacer devant l’église, ou celle-ci de confisquer celle-là. L’encyclique condamnait la séparation de l’église et de l’état comme contraire au bien de l’église et de l’état, ce qui équivalait à dire que l’église devait absorber l’état ; car l’interprétation inverse n’était pas admissible en Belgique, où le clergé, avec l’assentiment du pape, en avait fait deux fois un prétexte d’insurrection. L’encyclique indiquait donc au clergé belge, comme but, l’anéantissement des libertés civiles, comme moyen, l’annulation du pouvoir exécutif, seule force de l’état qui ne relevât pas entièrement de l’église, c’est-à-dire l’asservissement du pouvoir exécutif au principe électif, qu’avaient livré à l’influence cléricale, dans les campagnes, la docilité des paysans, dans les villes l’appât des emplois. C’est là du moins le sens donné par le clergé et ses agens à l’encyclique de 1832. Onze années d’usurpations l’ont prouvé.

La réaction catholique se montra dès-lors de plus en plus envahissante : la liberté d’association, dont elle usait si largement pour elle-même, reçut ses premiers coups. Les cinq évêques belges excommunièrent simultanément les loges maçonniques, dont le seul crime était d’emprunter à la hiérarchie cléricale, Sinon sa force, du moins son