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eaux acides et ferrugineuses, qui viennent puiser à ces mêmes sources le rafraîchissement et le calme. C’est cet usage, nommé dans le pays les secondes cures, qui entretient habituellement du monde à Francesbad à une époque où les autres eaux sont déjà dans le désert depuis long-temps.

Francesbad ne date pas de, bien loin, car c’est en 1795 seulement que l’on a commencé à y bâtir : vous voyez, monsieur, que ce n’est pas au droit d’ancienneté qu’il doit son rang. Tandis que Teplitz se targue de remonter aux temps héroïques des Slaves, sous le duc barbare Nezamysl, Carlsbad au bon empereur Charles IV, qui fit du XIVe siècle l’âge d’or de la Bohême, et qui est resté dans la mémoire des peuples comme un Henri IV et un Louis XIV tout ensemble, Francesbad présente tout simplement, aux yeux de l’histoire, son pauvre empereur François II. C’est de ce souverain que l’établissement tient son nom de Franzensbad, bain de François, que je me suis permis de franciser un peu, tout en le rapprochant de la prononciation. Dans cette même année de 93, si tumultueuse chez nous, l’empereur d’Allemagne signa un décret qui autorisait la ville d’Egra à user de son droit de propriété sur ces sources minérales pour y construire un premier établissement. Tel est l’acte d’origine, qui ne fut toutefois suivi d’effet qu’après deux ans environ. Il ne faut cependant pas croire que l’histoire des eaux ne prenne naissance qu’à cette époque. On ne s’en servait pas jusqu’alors pour les bains et l’on n’y venait pas, mais l’on en transportait, même fort loin, sous le nom d’Égra, qui est celui de la ville la plus voisine, pour s’en servir comme boisson. Leur réputation était depuis long-temps fixée. Balbin, dans ses Mélanges historiques[1], prétend que le duc Brzetislaw en fit usage, ce qui nous mènerait en plein XIIe siècle : le fait est possible ; mais, comme il n’est appuyé sur aucun monument, on peut le regarder comme n’étant sans doute qu’une invention dictée par le désir d’usurper historiquement sur Carlsbad. La première mention positive des eaux d’Égra paraît se trouver dans les commentaires de Gunther d’Andernaeh sur les eaux minérales[2]. Plusieurs autres auteurs du XVIe siècle, notamment Agricola, Brusch, Tabernamon tanus, en parlent également. Dès le XVIIe siècle, on voit qu’elles étaient célèbres : l’empereur Ferdinand II, et son fameux général Waldstein, dont Egra conserve encore tant de souvenirs, y eurent tous deux recours. Le témoignage d’Hoffmann montre qu’au XVIIe siècle les médecins instruits commençaient à les apprécier convenablement et à les préférer, en général, à celles trop irritantes de Pyrmont. « Bien que ces eaux, dit ce savant observateur, ne renferment pas autant de matière spiritueuse que celles de Pyrmont, et soient d’un naturel plus doux, par cela même elles sont d’une efficacité plus sûre, et aussi commencent-elles à se distinguer par un usage plus général, tellement qu’on en transporte tous les ans une quantité, je dirais

  1. Prag. 1679.
  2. Argentorati, 1565.