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ruine de ses états. M. Ellis, homme très violent et son ennemi acharné, que l’on avait, précisément à cause de cela, choisi pour résident[1] anglais dans sa capitale de Patna, s’y préparait ouvertement à l’attaquer à main armée. Convaincu bientôt que sa perte était résolue, Mîr Kâssim n’hésita plus. Son premier acte fut de saisir des bateaux chargés d’armes que M. Ellis faisait venir de Calcutta à Monghyr. Il s’ensuivit quelques hostilités ; un membre du grand conseil de l’Inde, Amyat, fut tué ; Ellis et son escorte furent faits prisonniers. Dès ce moment, malgré l’opposition du résident et de Warren Hastings, le conseil regarda la guerre comme résolue, déclara la déchéance de Mîr Kâssim et la restauration de Mîr Giaffer.

L’armée anglaise, entrée immédiatement en campagne, livra, le 2 août 1763, une grande bataille aux troupes de Mîr Kâssim. On fut étonné de leur résistance énergique. Un instant l’ennemi rompit sur un point la ligne anglaise, s’empara de deux canons, et attaqua en tête et en queue le 84e régiment britannique. Il renouvela plusieurs fois les mêmes efforts. On devine que les troupes qui se montraient si vaillantes étaient commandées par Sombre. Après un combat de quatre heures, le champ de bataille demeura aux Anglais ; mais ce combat était le plus sanglant et le plus acharné qu’on eût encore vu dans les guerres de l’Inde.

A la suite de cette bataille, Mîr Kâssim se replia successivement sur les forteresses d’Oudwa et de Monghyr, qu’il vit tomber l’une après l’autre devant la stratégie européenne, et se retira enfin dans Patna, sa dernière possession, traînant toujours à sa suite les prisonniers anglais qu’il avait faits au début des hostilités. Poursuivi jusqu’à Patna par l’armée britannique, au premier bruit de son approche, il écrivit au major Adam qui la commandait : « Si vous faites un pas de plus, je vous envoie la tête de M. Ellis et celle de vos autres chefs. » Cent cinquante Anglais de tous rangs et de toutes professions se trouvaient alors entre les mains du nabab. Le major Adam écrit à MM. Ellis et Hay, qui se trouvaient parmi les prisonniers, de chercher à s’échapper par tous les moyens possibles, ou de racheter leur vie par des promesses qu’il s’engageait sur son honneur à ratifier. MM. Ellis et Hay, il faut le dire à leur honneur, répondirent, au nom des autres Anglais : « Nous ne pouvons nous échapper ; mais nous vous en prions instamment, que vos opérations militaires ne soient pas retardées d’un moment à cause de nous. » L’armée anglaise continuant à s’approcher

  1. Résident est synonyme d’ambassadeur quand il s’agit des cours indiennes.