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moment s’est reproduit, aux dépens des catholiques, ce vaste système d’absorption dans lequel ils avaient enfermé les libéraux. La liberté d’association, source première du monopole ecclésiastique, est devenue le point de départ de la résistance. Les autres libertés ont eu le même sort : enseignement subventionné, presse soudoyée, embauchage électoral, rien n’a échappé à cette minutieuse contrefaçon des empiètemens ultramontains. Les députés fonctionnaires, le roi lui-même, que les catholiques ont façonnés à subir et à servir toutes les majorités, n’attendent qu’un revirement politique, désormais prévu, pour compléter, au profit des libéraux, cette inexorable loi du talion. L’ultramontanisme belge peut déjà comprendre qu’à force égales il y a moins de vitalité encore dans l’esprit de monopole que dans l’esprit constitutionnel. Il a appelé la liberté, et la liberté l’écrase. Il croyait l’exploiter contre les citoyens et s’est trouvé irrésistiblement conduit à la répudier pour lui-même : témoin la transformation ultra-gouvernementale qui se manifeste dans les rangs de l’épiscopat.

Je conclus. Il n’y a pas dans nos sociétés modernes d’élément réel et durable pour la théocratie. Qu’elle s’étaie de l’autorité monarchique, comme en France pendant la restauration, ou qu’élargissant sa base, elle se fonde, comme en Belgique, sur la liberté populaire, l’édifice croule tôt ou tard. En principe, cette double expérience est déjà complète, et le jour n’est peut-être pas loin où le Piémont absolutiste et la Suisse républicaine se chargeront de la corroborer.


GUSTAVE D’ALAUX.