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gouvernement du consulat l’autorisa de nouveau, mais pour le cas seulement où le prix de l’hectolitre de blé, relevé sur dix marchés, ne s’élèverait pas au-dessus d’un certain taux, qui fut fixé, pour l’ouest et le nord de la France, à 16 fr., et un peu plus tard à 20 fr. pour le midi. Dans les années suivantes, la loi, plusieurs fois modifiée, continua à autoriser l’exportation, toujours avec certaines réserves. Au reste, l’exercice de ce droit ne fut pas régulier, mais soumis à des autorisations partielles, délivrées par les agens du pouvoir, et qui devinrent l’objet d’un trafic scandaleux. En 1810, ces autorisations même furent supprimées, et l’exportation totalement interdite.

Telle fut donc, en France, la politique constante de tous les gouvernemens antérieurs au gouvernement constitutionnel : n’autoriser l’exportation qu’exceptionnellement et sous certaines réserves, mais permettre et favoriser en tout temps l’importation, à ce double effet de réserver aux nationaux toutes les ressources de la production locale, et d’en combler au besoin les lacunes par les apports de l’étranger.

A peine le gouvernement constitutionnel est-il institué en 1814, tout change. Dès le 26 juillet, sans attendre même la délibération des chambres, le roi autorise provisoirement par une ordonnance, et sans aucune réserve, l’exportation des grains. Cette ordonnance provisoire est convertie en loi le 2 décembre suivant. Plus tard on revint, il est vrai, sur cette mesure, dans le maintien de laquelle on crut voir quelque danger ; mais l’esprit nouveau qui était entré dans les conseils publics se manifesta plus clairement dans la suite, d’abord par la loi du 16 juillet 1819, la première qui ait mis des conditions restrictives à l’importation des blés en France, ensuite par la loi du 4 juillet 1821, qui aggrava singulièrement les restrictions introduites dans la première. Cette loi de 1821, qui fut l’œuvre des chambres bien plus que celle du gouvernement, devint la règle du commerce des grains en France pendant toute la durée de la restauration. La loi de 1832, qui nous régit encore, en rappelle les principales dispositions, mais avec quelques modifications dictées par un esprit plus libéral.

Si de la France constitutionnelle on passe à l’Angleterre, on y trouve un exemple encore plus tranché des mêmes sentimens, des mêmes dispositions dans la législature. Dès l’année 1689, un an seulement après l’établissement définitif du régime constitutionnel, le parlement rendait un bill qui, en interdisant l’importation en Angleterre des grains étrangers, permettait l’exportation des grains indigènes,