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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 12.djvu/864

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la culture avait pris sous l’influence du nouveau régime. « C’est à l’an 1689, continue Nickols, qu’est l’époque des riches moissons de l’Angleterre ; elle en est redevable à cet acte si sage, qui institua une gratification pour l’exportation des grains sur vaisseaux anglais. »

Ainsi l’Angleterre, qui, dans les années antérieures à 1689, avait été fréquemment tourmentée par les disettes, en fut long-temps préservée par la bienfaisante influence de cette loi. Depuis qu’elle a changé de système, le fléau de la disette est venu de nouveau fondre sur elle. Voilà donc un pays qui tour à tour, selon que ses lois fiscales gênent l’exportation, la favorisent ou l’entravent de nouveau, se voit d’abord exposé, comme tant d’autres, à des disettes fréquentes et à de subites variations de prix, devient ensuite tout d’un coup la providence des autres, et retombe encore dans son premier état ! Quoi de plus concluant qu’un tel exemple ? Il l’est d’autant plus que, durant la longue existence de la loi de 1689, l’importation fut constamment interdite ; tant il est vrai que l’abondance ne résulte pas des importations du dehors, mais au contraire de la faculté d’exporter.

Il y a eu dans tous les temps quelques contrées célèbres par l’exubérance de leur production en céréales, et qui étaient regardées comme des greniers d’abondance où les nations étrangères venaient de loin s’approvisionner ; cela était vrai surtout dans les temps anciens, où les restrictions douanières étaient moins générales ou moins uniformes qu’aujourd’hui. En remarquant la prodigieuse fécondité de ces pays, les historiens, les philosophes, les publicistes, n’ont guère su que vanter la nature de leur sol, auquel ils attribuaient, sans aller plus loin, cet heureux privilège de produire abondamment le grain « terre fertile en blés, » disaient-ils, et avec cela ils croyaient avoir tout dit, comme si la terre produisait le blé sans culture et par une sorte de faveur du ciel, comme si le blé était une plante si exclusive, si délicate, qu’il lui fallût, à l’exclusion de toute autre, telle nature de sol ou tel climat. Ce que nous disons des temps anciens s’applique, du reste, aux temps modernes, car, aujourd’hui comme autrefois, il y a des contrées que l’on regarde comme douées par privilège de la faculté de produire abondamment le blé. Si l’on étudiait avec quelque attention les pays qui ont joui ou qui jouissent encore de cet inappréciable avantage, on reconnaîtrait peut-être avec étonnement qu’ils ne sont en général ni plus fertiles, ni plus propres à la culture du blé, que tant d’autres connus seulement par la fréquence de leurs disettes et l’étendue de leurs besoins. Ce qui fait la prétendue fertilité des premiers, c’est la sagesse de leurs lois. De