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l’Angleterre : qu’en raison de la densité de sa population, le sol ne suffit pas pour la nourrir.

L’exemple de la France n’est pas moins concluant, quoique les faits s’y présentent, heureusement pour nous, dans un ordre contraire. Sous aucun des régimes restrictifs antérieurs à la loi de 1832, les disettes n’y ont manqué, et, selon que les restrictions ont été plus ou moins sévères, ces disettes ont été plus fréquentes ou plus rudes. Le régime établi par la loi de 1832, sans être celui d’une liberté complète, est à cet égard beaucoup plus libéral qu’aucun des régimes précédens. C’est aussi le seul sous l’empire duquel le pays n’ait éprouvé aucune disette sérieuse. Qu’y a-t-il de plus concluant que tous ces faits ? Si l’on persiste à dire que ce qui fait en Angleterre l’insuffisance actuelle des récoltes, c’est l’accroissement de la population, nous demanderons comment il se fait qu’un accroissement pareil de la population en France n’ait pas empêché cette population de trouver sur le sol qu’elle occupe une subsistance plus abondante et plus sure qu’elle ne l’a trouvée dans aucun temps.

Si la faculté d’exporter entretient dans un pays l’abondance, elle n’est pas moins précieuse en ce qu’elle contribue plus qu’aucune autre circonstance à maintenir une égalité à peu près constante dans les prix. Nous avons sous les yeux les relevés officiels des prix des grains sur le marché de Windsor pendant la longue suite d’années où la loi de 1689 fut en vigueur ; on n’y remarque durant tout ce temps que des oscillations assez légères. C’est, au contraire, une chose affligeante à voir, dans les pays soumis au régime restrictif, que les continuelles et brusques variations dans les cours des marchés. D’une année à l’autre, il y a parfois des différences telles que la raison s’étonne et que l’imagination s’effraie. « Dans l’espace de deux ans, disait M. Huskisson, faisant allusion aux années 1822 et 1823, les prix se sont élevés de 38 shillings à 112 shillings le quarter. » La France n’a guère été plus heureuse à cet égard dans les temps où l’exportation y était interdite. Ainsi, tantôt la denrée s’élève à des prix inabordables pour le consommateur, et qu’on a appelés assez justement prix de famine ; tantôt, au contraire, ces prix tombent si bas, que le cultivateur n’y trouve plus la juste rémunération de son labeur. D’une année à l’autre, la marchandise se met hors de la portée du consommateur ou s’avilit. C’est qu’en effet une bonne récolte donnant nécessairement un excédant quelconque sur la consommation, si l’exportation est interdite, il y a là pour ainsi dire une quantité