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UN


HUMORISTE EN ORIENT.




EOTHEN.[1]




M. de Forbin s’étonnait, en 1827, de rencontrer au pied des pyramides l’ombrelle rose d’une dame anglaise. Depuis cette époque, le phénomène est devenu vulgaire ; les touristes anglais en Orient se sont si prodigieusement multipliés, qu’on ferait de leurs volumes une autre pyramide de Giseh. Grace à eux, il n’y a plus rien à dire sur l’Orient ; le mystère manque au pays du mystère. Le sphinx est sans énigme, le temple de Denderah ne possède plus de secrets, les tombes des rois ont été fouillées, les images des prêtres expliquées, la source du Nil est connue, et la statue de Memnon elle-même s’est dépouillée de son prestige. Qui ne sait sur le bout du doigt la colonne de Pompée, le Delta, les chameaux du désert, Karnak et Medinet-Abou ? L’obélisque de Louqsôr est notre proche voisin, et l’un des touristes dont je parle raconte qu’un colosse de granit, à demi enseveli sous les sables, n’appartient ni à Ibrahim-Pacha, ni à Méhémet-Ali, mais au « musée britannique, » lequel n’a pas eu le temps de le faire enlever.

  1. Eothen, un vol. In-8° ; Londres, 1845.