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expiation et une épreuve ; tout montre dans leur religion qu’ils croyaient que, sur la terre, tous les êtres gémissent, pour me servir de l’expression de saint Paul, et ont besoin d’être rachetés. Ils étaient persuadés que la Divinité s’apaise par le sang. Le sang, pensaient-ils, concilie les dieux ou détourne leur colère. C’est ainsi qu’ils arrivèrent à maintenir et à étendre, comme une cérémonie religieuse, ce qui avait pu d’abord n’être qu’un sanguinaire avertissement ou une horrible vengeance contre le roi de Colhuacan. Solis, dans la Conquête, du Mexique, place textuellement cette explication des sacrifices humains dans la bouche d’un cacique vénéré de Tlascala, Magiscatzin (le même que M. Prescott nomme Maxixca). Dans un entretien avec Cortez, ce chef lui dit que ses compatriotes ne pouvaient se former l’idée d’un véritable sacrifice, à moins qu’un homme ne mourût pour le salut des autres.

L’idée religieuse des Mexicains, au sujet de la vertu du sang répandu sur les autels, leur était commune avec toute l’antiquité. Tous les peuples sans exception, sauvages et civilisés, avant la venue du Christ, ont cherché la rédemption par le sang, parce que le sang, source de la vie, leur a paru l’offrande la plus agréable aux dieux courroucés. Partout et toujours, jusqu’au christianisme, le sang des hommes a coulé pour honorer les dieux, malgré les protestations de la raison et du sentiment humain, qui pourtant, chez les anciens, avaient fait remplacer, dans la plupart des circonstances, mais non pas dans toutes, nos semblables par des animaux. Pour Moïse, on a remarqué qu’il « n’y a pas une des cérémonies prescrites par ce législateur, pas une purification, même physique, qui n’exige du sang. » Le christianisme même, qui a mis fin à l’effusion du sang sur les autels, s’est conformé à ce que de Maistre appelle la doctrine de la substitution ou de la réversibilité des douleurs de l’innocence au profit des coupables. Les péchés de nos pères et les nôtres y sont lavés par le sang. Pour être absous de son antique chûte, le monde a dû recevoir un bain de sang. Les plus savans docteurs de l’église l’ont entendu ainsi : « Dans l’immolation du Calvaire, l’autel était à Jérusalem, mais le sang de la victime baigna l’univers, » a dit Origène, qui, en cela, n’a pas voulu faire une simple métaphore, mais a eu l’intention d’énoncer un fait mystérieusement accompli. Cette fois, il est vrai, c’est le sang de Dieu lui-même qui dispense d’une autre hostie, et désormais les temples sont purifiés de tout sang terrestre. On peut remarquer même que le sacrifice rédempteur n’est pas fait une fois pour toutes, et qu’il se perpétue, car la messe n’est