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plaider avec énergie la cause du christianisme, de l’église et de ses docteurs les plus illustres. En vérité, je crois rêver. Sommes-nous en 1845 ou en 1792 ? L’horizon de Fréret, de Dupuis, de Volney est-il le nôtre ? Notre philosophie des religions serait-elle moins étendue que celle de Montesquieu, moins sympathique pour le christianisme que celle de Jean-Jacques Rousseau ? Ne savons-nous pas que le christianisme et l’église, ce sont les témoignages les plus décisifs et les plus glorieux de la puissance de la raison, de la dignité du genre humain, de la grandeur de ses destinées ? Ne savons-nous pas que l’humanité ne compte pas de plus grands serviteurs que les pères de l’église, les Athanase, les Chrysostôme, les saint Hilaire, les Augustin, les saint Bernard, et que jamais l’humaine raison, dans l’équilibre difficile et salutaire qu’elle doit garder entre mille tendances contraires, n’a trouvé de modérateur plus puissant et de modèle plus accompli que Bossuet. Abandonnons à une autre époque ces aveugles haines, ces préjugés indignes d’un siècle où la raison est libre désormais et doit trouver l’impartialité juste et facile après le triomphe. Combattons les excès, les abus, les injustes empiètemens de la religion et de ses ministres, mais n’attaquons pas le principe. Veillons sur lui au contraire ; ce sera veiller sur nous. La raison, en étudiant de près le christianisme, s’est reconnue elle-même. Ce qu’elle voulait détruire, c’est son plus parfait ouvrage. Oui, l’idée chrétienne, l’idée de l’homme-Dieu avec ses développemens naturels, est la plus magnifique conquête du genre humain. Par elle, il s’est vraiment connu lui-même dans les conditions essentielles de sa vie morale ; par elle, il a pris possession de ses destinées immortelles. Ce serait une philosophie bien étroite, que celle qui ferait remonter ses attaques jusqu’au principe même du christianisme, et croirait la raison intéressée à diminuer la gloire de ses plus profonds docteurs.

Ce serait aussi une bien injuste théologie que celle qui, séparant le christianisme de tout ce qui a servi à le constituer, ne verrait dans la philosophie qu’une source d’erreur et de mal, et s’armerait de la grandeur du christianisme contre la raison et la philosophie. À nos yeux, la naissance du christianisme, son triomphe, sa durée, ne sont point un scandale pour la raison, et le sentiment que nous inspire l’étude des merveilleuses destinées de cette grande religion, c’est une foi profonde dans la force de la raison que Dieu n’abandonne jamais aux témérités et aux contradictions des individus, mais qu’il éclaire et gouverne sans cesse par des lois qui sont un reflet de sa nature éternelle. La raison a trouvé dans l’antiquité, par l’action de la philosophie, toutes