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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 9.djvu/182

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REVUE DES DEUX MONDES.

plus une preuve que le détenteur appartenait à la conspiration. Les contrebandiers refusaient de colporter la Jeune Italie. Malgré toutes ces entraves, la distribution se faisait par des conspirateurs ; les exemplaires partaient de Marseille en paquets à l’adresse de personnes qui devaient se trouver à un rendez-vous fixé d’avance : le journal arrivait ainsi au comité de chaque ville, le comité le distribuait aux abonnés, c’est-à-dire aux affiliés de la jeune Italie. Ceux-ci ne se connaissaient pas entre eux, chacun relevait d’une direction centrale, et ces diverses directions ne relevaient que de Marseille. Grace à ces mesures, la société restait dans l’ombre, et le journal, transmis de main en main, finissait par se faire lire partout. Dans certaines villes, les émissaires de la jeune Italie circulaient le soir dans les rues et jetaient les numéros du journal sur le seuil des boutiques, aux portes des théâtres, et dans les endroits les plus fréquentés. Jamais écrit périodique n’a été rédigé avec plus d’activité, transmis avec plus de courage ; les conspirateurs risquaient leur tête, et personne n’hésitait. La Jeune Italie forma l’opinion. Une conspiration démocratique devait embrasser peu à peu la péninsule : Gênes et Alexandrie étaient les foyers les plus ardens des tendances républicaines ; venaient ensuite Turin, Chambéry, la Lombardie ; l’Italie centrale, pour le moment écrasée, restait en dehors du mouvement. Une partie des ventes de carbonari napolitains se ralliaient à M. Mazzini par l’entremise de quelques émigrés de 1821. Les jeunes gens, encore agités par la révolution de juillet, se groupaient autour du publiciste démocratique. Un soulèvement formidable semblait n’attendre que l’occasion d’éclater ; cette occasion se présenta bientôt.

C’est le gouvernement du roi Charles-Albert qui prit l’initiative des mesures de répression contre la propagande. Il s’était aperçu qu’on cherchait à corrompre l’armée ; aussitôt il fit pointer les canons sur Gênes ; trois personnes furent exécutées dans cette ville, trois à Chambéry, six à Alexandrie ; soixante conspirateurs se virent condamnés aux galères et à la prison (1833). L’Autriche envoya au Spielberg plusieurs sectaires. En présence de la terreur qui se répandait dans la péninsule et arrêtait tout à coup la propagande, malgré les persécutions des polices et les centaines d’émigrés qui partaient de l’Italie, M. Mazzini ne voulut point reculer. L’émigration demandait une vengeance, la jeune Italie s’exaltait en Piémont et à Gênes : M. Mazzini tenta le sort, se joignit à un comité polonais, et projeta l’expédition de Savoie, où la fatalité des circonstances lui imposa toutes les fautes qu’il avait reprochées à ses devanciers.