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propos, la bienveillance de l’auteur nous permet de prendre connaissance du commencement de l’Histoire du Consulat. La première livraison, qui comprend jusqu’au Consulat à vie, va former trois volumes ; nous achevons la lecture du premier. Il ne nous appartient pas de devancer le jugement de tous, mais notre impression n’est pas douteuse, et, comme un messager porteur d’une bonne et grande nouvelle, nous ne la cacherons pas. Rien, selon nous, ne surpasse l’intérêt puissant, varié, majestueux de l’œuvre jusqu’au moment où nous l’avons suivie, et la façon dont elle est tout d’abord posée est mieux qu’un gage ; on va tenir un résultat. Ce premier volume comprend quatre livres, car l’ouvrage est divisé en livres dont chacun porte un nom, le nom du fait dominant ; ainsi le premier livre a pour titre Constitution de l’an VIII ; le second Administration intérieure ; le troisième Ulm et Gênes ; le quatrième Marengo, etc. Dans le premier qui commence au lendemain du 18 brumaire, on trouve, à la suite des premières mesures indispensables et provisoires de réorganisation, l’exposé et la discussion de la Constitution de Sieyès ; on a le rêveur et le spéculatif en face du grand homme d’action. Aucun n’est sacrifié, et Sieyès n’a jamais paru plus profond, plus sagace qu’au sortir de cet échec qu’il essuie dans son système. Je dis qu’il n’est pas sacrifié, et personne, dans ce que nous avons lu, ne l’est par M. Thiers. Tout annonce qu’il est résolu à mettre en valeur chaque portion de son sujet. Dès les premières pages, on sent un esprit de modération élevé, supérieur, qui ne vient pas du désir de répondre à certaines objections anticipées, mais qui n’est que l’ame de l’histoire hautement comprise par une intelligence généreuse. Le livre second tout entier est consacré au mécanisme nouveau de la réorganisation départementale, judiciaire, financière, « à cette œuvre de réorganisation, est-il dit, dont le jeune général faisait son occupation constante, dont il voulait faire sa gloire, et qui, même après ses prodigieuses victoires, est restée, en effet, sa gloire la plus solide. » Dans cet exposé multiple, l’historien a fait usage, comme on pense bien, de toutes les ressources lumineuses qu’on lui connaît, mais il les a poussées à leur dernier terme. Et, en général, sa manière, dans cette histoire nouvelle, nous semble arrivée à la perfection ; c’est son ancienne manière, mais épurée et affermie par le travail. Toute négligence a disparu. Dans ce qu’il nous a été donné de lire, il n’est pas un point qui ne porte sur un fait, sur une notion précise ; quelques réflexions sobres, quelques maximes d’expérience et de morale sociale, jetées à propos, ne font que donner jour aux idées qui naissent en