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les débarquemens toujours difficiles sur cette côte, où le ressac est continuel. Plusieurs fois les obstacles naturels ont été bravés sur ce point, particulièrement en 1809, par les Anglais, qui prirent terre sans résistance. Saint-Louis est privé de fontaines et de ruisseaux, mais de juillet en novembre, pendant la crue des eaux, le fleuve refoule la mer et fournit aux besoins des habitans. Dès que le Sénégal a repris son cours habituel, la mer remonte à 40 lieues de l’embouchure, et les indigènes, privés d’eau potable, sont alors obligés d’aller creuser des puits au milieu des sables de Guett’ndar. Ces sources, toujours saumâtres par suite des infiltrations de l’Océan, étaient naguère la cause de maladies violentes ; les fièvres et les dyssenteries décimaient la garnison. Depuis plusieurs années, l’administration a fait construire des citernes où se recueille l’eau du Sénégal à l’époque du débordement, et la mortalité a considérablement diminué.

Depuis la paix, Saint-Louis s’est beaucoup agrandi, et sa population a presque triplé. L’accroissement de la population ne prouve pas toujours une augmentation proportionnelle dans le commerce ; toutefois c’est peut-être l’échelle la plus sûre pour en mesurer les progrès dans un pays misérable, où le gain est le seul mobile des habitans. En 1779, Saint-Louis avait 3,018 habitans, et 3,398 en 1784. Sa population doubla sous l’occupation anglaise, et en 1818 elle était de 6,000 ames. Depuis 1830, ses progrès furent plus sensibles encore ; elle monta en 1832 à 9,030 personnes, en 1837 à 12,011 ; en 1844 elle dépassait 15,000 individus. En 1818, il y avait à peine à Saint-Louis 50 habitations bâties, il y en a maintenant 1,568 ; on comptait 5 maisons de commerce à la même époque, aujourd’hui ce nombre est porté à 36 ; 150 traitans de gommes sont inscrits sur les registres de l’administration au lieu de 40. Enfin, si nous joignons à ces détails le tableau suivant du commerce du Sénégal depuis la reprise de possession, on y verra un progrès tellement rapide, que les exemples d’une prospérité semblable se rencontrent seulement aux colonies anglaises de l’Australasie et aux terres néerlandaises de l’Inde. La moyenne des importations et des exportations, d’abord restreinte, de 1818 à 1823, à la somme de 2,300,000 fr., s’est élevée en 1824 et les années suivantes, à 3,600,000 fr., en 1832 à 5,000,000 francs, en 1833 à 5,900,000 francs, en 1834 et 1835 à 7,700,000 francs, en 1836 à 9,000,000 fr., en 1837 à 12,000,000 fr., en 1838 à 17,000,000 fr. Le commerce retombe en 1839 à 16,600,000 fr., et en 1840 à 11,000,000 fr. Quand nous parlerons de la traite des gommes, nous ferons connaître les causes fâcheuses qui ont arrêté un développement aussi extraordinaire.

Le poste militaire de Richard-Tol est situé à 30 lieues au nord-est de Saint-Louis, dans le pays de Walo, sur la rive gauche du Sénégal ; six lieues plus haut, on rencontre le poste de Dagana. Vingt-cinq hommes protègent, dans chacun de ces établissemens, les relations commerciales avec les indigènes. Le fort de Bakel, sur la rive gauche, est à 200 lieues de Saint-Louis, en suivant les sinuosités du fleuve ; il n’est éloigné que de 100 lieues