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« La science fleurit à Goettingue ; mais elle n’y porte pas de fruits. J’y arrivai par une nuit épaisse, et ne vis de lumière nulle part.

« Dans le bagne de Celle, je ne trouvai que des Hanovriens. O Allemands ! il nous manque un bagne national et des coups de fouet en commun.

« A Hambourg, la bonne ville, habite plus d’un mauvais compagnon, et quand j’allai à la Bourse, je me crus encore au bagne de Celle.

« A Hambourg, j’ai vu Altona ; c’est aussi une belle contrée. Une autre fois, je te conterai ce qui m’est arrivé dans toutes ces villes. »


L’auteur termine ici brusquement sans nous donner le sens de sa fable ; il y en a un cependant. Le chevalier Tannhaeuser, qui dit adieu aux plaisirs de sa retraite heureuse, au franc et joyeux rire de sa dame, et qui essaie de faire pénitence à Rome, ne serait-ce point l’Allemagne au moment où le méthodisme l’envahit et l’attriste ? et le poète ne lui dit-il pas, par la voix du pape Urbain, qu’il lui est impossible de se transformer ? Qu’elle y renonce donc, et que son génie, loin de s’humilier, retourne fièrement vers les montagnes de Thuringe, dans la maison de Luther ; mais, hélas ! en revenant chez lui, le voyageur ne trouve qu’une triste population, endormie d’un lourd sommeil. Ces idées sont familières à M. Heine, et il est permis de croire que cet adieu aux retraites voluptueuses, ce pèlerinage à Rome, ce retour enfin du chevalier, ont le sens que j’entrevois. L’auteur, toutefois, ne s’est pas soucié d’éclairer nettement sa pensée ; il lui a suffi d’accompagner son voyageur depuis le Saint-Gothard jusqu’à Hambourg, et de lancer à droite et à gauche de vives épigrammes.

Un peu plus loin, si M. Dingelstedt, le veilleur de nuit, arrive à Paris, il lui demande des nouvelles de l’Allemagne. « Eh bien ! veilleur, qui veilles si bien, donne-moi des nouvelles. Que se passe-t-il là bas ? L’Allemagne est-elle libre ? » Et là-dessus il fait tenir au veilleur le plus plaisant discours du monde. « Tout va bien, répond M. Dingelstedt, rassurez-vous. Ce n’est pas comme en France, où la liberté n’existe qu’à la surface. Ces Français frivoles n’ont jamais compris la liberté. C’est l’Allemand qui sait être libre, libre au fond du cœur. Tout va bien. On nous achève la cathédrale de Cologne. Le libre Rhin, le Brutus des fleuves, on ne nous l’enlèvera jamais, car les Hollandais lui garrottent les pieds et les Suisses lui tiennent vigoureusement la tête. D’ici à quelques années, Dieu aidant, nous aurons une flotte ; alors, plus de prison ; la jeune Allemagne ira sur les galères de l’empire. Bientôt aussi disparaîtra la presse, et nous avons grand espoir que la censure sera supprimée. Tout est vraiment pour le mieux. » Qu’est-ce à dire ? M. Dingelstedt n’est-il pas, cependant, un des