noncé à votre enthousiasme pour Goethe, que Clara et Marguerite vous ennuient, que vous avez pris congé de Mignon, et que vous êtes devenu un Mirabeau germain. »
À la page suivante, c’est une ballade folle, joyeuse, dont le sens n’est pas facile à deviner, mais qui se termine par un tableau railleur et très compréhensible de l’Allemagne nouvelle. Il s’agit du noble chevalier Tannhaeuser. Tannhaeuser, le noble chevalier, habite depuis sept ans chez dame Vénus, dans les vertes montagnes ; mais un jour l’ennui le prend, le noble chevalier dit de grosses injures à sa dame et s’en va. Il s’en va à Rome, où le pape Urbain, sous son dais, accompagne la procession. « Saint Père, lui dit-il, délivrez-moi des tourmens de l’enfer. J’ai habité sept ans chez dame Vénus, dans les vertes montagnes ; aujourd’hui je ne puis l’oublier. Elle est si joyeuse, si folle ! ses dents sont si blanches quand elle rit ! Toutes les fois que je pense à ce rire franc et sonore, ah ! je pleure à chaudes larmes. Pour elle, je donnerais le ciel tout entier, le soleil, la lune et les étoiles. Je l’aime d’un amour qui me brûle : seraient-ce déjà les flammes de l’enfer ? » Le pape Urbain ne peut le guérir. « Mon fils, dit-il, vous êtes perdu. De tous les diables, le pire est celui que vous nommez dame Vénus. Vous êtes déjà dans l’enfer, vous êtes condamné aux flammes éternelles. » Alors le chevalier retourne en toute hâte au fond des vertes montagnes où sa dame le reçoit avec fête :
« — Tannhaeuser, mon noble chevalier, ton absence a été bien longue. Dis-moi dans quel pays tu t’es si long-temps attardé.
« — Dame Vénus, ma belle dame, je suis allé dans le pays des Welches ; j’avais des affaires à Rome ; mais vite je suis revenu vers toi.
« Rome est bâtie sur sept collines ; c’est le Tibre qui y coule. J’ai vu le pape à Rome : le pape te fait saluer.
« En revenant, j’ai vu Florence ; je suis passé par Milan, et rapidement j’ai remonté toute la Suisse.
« Quand je fus au haut du Saint-Gothard, j’entendis ronfler l’Allemagne. Elle dormait paisiblement sous la douce protection de ses trente-six monarques.
« En Wurtemberg, j’ai visité l’école des poètes souabes ; chères petites créatures ! charmantes petites bêtes ! ils étaient assis sur de petites chaises percées, avec de petits bourrelets sur leurs petites têtes.
« À Weimar, le séjour des muses, des muses veuves, j’entendis de grandes plaintes. On pleurait, on se lamentait : Hélas ! Goethe n’est plus ! Hélas ! M. Eckermann vit encore !
« À Potsdam, c’étaient de bruyantes acclamations. Qu’y a-t-il ? demandai-je tout étonné. — C’est Édouard Gans qui fait des leçons sur le XVIIIe siècle.