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ancienne que le génie grec ; elle remonte à l’antiquité même, on pourrait presque dire qu’elle vient de Lycurgue et de Solon. La constitution lacédémonienne, inspirée à Lycurgue par l’oracle national de Delphes, était déjà, comme celle des Grecs modernes, à la fois monarchique et républicaine. Cette loi, qui, plus que toutes celles des temps anciens, portait l’empreinte de la durée et de la force, consacrait les droits d’une dynastie en face du peuple, représenté par des éphores élus et responsables. Les souvenirs de cet ordre de choses, religieusement conservés à travers les tyrannies romaines du Bas-Empire, se réveillent aujourd’hui. C’est ainsi, du moins, que le pensent les Grecs. Il ne s’agit donc plus de leur inoculer des institutions étrangères qu’ils peuvent bien admirer, mais dont ils ne veulent pas. Il sera plus utile, même aux intérêts de l’Europe, d’aider les chrétiens d’Orient à marcher dans la voie qui seule leur est chère, parce qu’elle est celle de leurs aïeux.

Il faut rendre, d’ailleurs, à la démocratie grecque cette justice, qu’elle est à la fois la plus vive et la plus sage, la plus progressive et la plus religieuse de toutes les sociétés gréco-slaves. Les Serbes et les Illyriens, races de pasteurs, quelque indépendante que soit leur nature, sont loin d’éprouver, pour la religion et la liberté de leur patrie, ce sentiment enthousiaste qui est comme la furie hellénique. Quoique également fondée sur l’élection, la démocratie serbe a des instincts plus matériels, par conséquent plus stationnaires : ses knèzes et autres magistrats sont ordinairement nommés à vie ; elle accorde aux familles et aux corporations une existence plus large. On pourrait dire que la Serbie offre dans ses lois quelque chose de rude et d’agreste comme elle-même. On sent que cette société n’est pas encore totalement sortie des forêts ; l’esprit de tribu, l’esprit de clan, qui la gouverna si long-temps, a laissé dans son état actuel des traces profondes.

Depuis qu’elle est libre, la Serbie s’est donné successivement trois oustavs ou constitutions, qui ne sont que la conséquence logique l’une de l’autre. Arrachée à Miloch en 1825, la première de ces constitutions porte, malgré ses réticences absolutistes, un cachet profondément gréco-slave. Dédaignant les classifications hiérarchiques et l’égalité roturière de l’Occident, elle cherchait à élever tous les rangs, sans en rabaisser aucun, et déclarait nobles sans distinction tous les indigènes de Serbie, par la seule raison qu’ils professaient la religion du Christ. En l’absence d’un code civil, elle déclarait prendre l’Évangile pour base de l’administration de la justice, ce qui ne l’empêchait