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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 9.djvu/57

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NOTRE-DAME DE NOYON.

évident que la non interruption du service divin dans la cathédrale de Coutances ne peut détruire les raisons qui nous ordonnent de croire que, depuis sa fondation en 1030, elle a dû nécessairement être reconstruite ?

Quant à la prétendue impossibilité qu’une église édifiée au milieu du XIe siècle ait été rebâtie de fond en comble pendant le XIIIe, c’est-à-dire deux siècles à peine après sa construction primitive, sans que sa ruine ait été causée par une guerre ou par un incendie dont on garde le souvenir, c’est encore là, qu’on nous permette de le dire, un oubli complet de ce qui se passait tous les jours au moyen-âge ; c’est s’étonner d’une chose toute simple et tout ordinaire. Sans parler des innombrables églises que nous voyons reconstruire à partir de l’an 1000, bien que souvent elles n’eussent pas un siècle d’existence, combien n’en trouverait-on pas, même à l’époque qui nous occupe, qui furent ainsi renouvelées sans qu’il y eût absolue nécessité, mais seulement pour obéir, soit au vœu de riches testateurs, soit à la pieuse ardeur de paroissiens jaloux d’un temple construit à la moderne dans une ville du voisinage ! Ne prenons pas un exemple obscur : la belle église de Senlis a été réédifiée vers l’an 1155, achevée en 1184, et inaugurée en 1191. À quelle époque avait-elle été fondée pour la première fois ? Vers 1068[1], par conséquent moins d’un siècle avant qu’elle fût construite à nouveau. Ni la guerre, ni l’incendie, n’avaient causé sa ruine ; mais elle avait été probablement mal bâtie, on la trouvait déjà vieille et peu solide : on la rebâtissait pour la rendre plus belle et plus spacieuse. Pourquoi, si à Senlis il en était ainsi, n’en aurait-il pas été de même à Coutances ?

Nous ne suivons l’auteur, comme on voit, que sur le terrain où il se croit inattaquable. Si nous abordions la question sous un autre aspect, au point de vue de l’appréciation des styles, il serait facile de prouver combien il se méprend sur la valeur de ce qu’il appelle le sys-

  1. Selon qu’on admet que le fondateur a été Odon Ier ou Odon II, on fait remonter la fondation à l’an 990 ou à l’an 1068. La différence n’est pas grande, puisque, entre la fondation primitive et la reconstruction, il se serait écoulé, dans un cas, 87 ans, dans l’autre, 165 ans. Voici les textes relatifs à la cathédrale de Senlis « [texte latin] » (Gallia christiana, t. X, col. 1378.) « [texte latin] » (Lettre de Louis VII aux archevêques, évêques, abbés, etc., à l’occasion de la reconstruction de la cathédrale de Senlis, « [texte latin] ») « … [texte latin] » Gallia christiana, t. X, col. 1406.)