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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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31 janvier 1845.


Le vote qui a terminé la discussion de l’adresse à la chambre des députés a créé une situation nouvelle. Nous examinerons les conséquences de ce vote, et les devoirs qu’il impose aux différens partis politiques ; mais nous devons d’abord parcourir les diverses phases du drame parlementaire dont le dénouement agite aujourd’hui tous les esprits.

Nous parlerons du ministère sans passion : en jugeant ses fautes, nous n’incriminerons pas ses intentions ; nous n’insulterons pas à sa défaite. Laissons les jugemens passionnés, la calomnie, l’invective aux journaux du pouvoir, qui ont poussé si loin dans ces derniers temps les fureurs de l’esprit de parti. Ridicules violences, dont le seul effet a été de révéler la faiblesse du cabinet.

Rendons justice à l’opposition ; elle a joué dans ce débat un rôle remarquable ; elle a été prudente et ferme, habile, courageuse ; elle a été modérée ; elle a montré surtout une rare franchise. On nous parlait d’intrigue, on a vu au grand jour ce qu’était l’intrigue de ces conservateurs dissidens qui sont venus déclarer nettement, soit à la tribune, soit au milieu de leurs collègues, les motifs de leur opposition contre le cabinet. On les accusait de défection, de trahison ! Quelle cause ont-ils trahie ? Exprimer un dissentiment sur des questions spéciales, blâmer la manière dont le cabinet a conduit certaines affaires, est-ce là ce qu’on appelle une défection ? Quel système, quel programme ont-ils défendu qu’ils n’eussent soutenu auparavant ? Ils ont dit que la politique du parti conservateur avait été compromise par les fautes du cabinet ; est-ce, donc là trahir le parti conservateur ? Depuis quand n’est-il plus permis aux partisans d’un système de critiquer la manière dont ce système est appliqué ? Lorsqu’un ministère se trompe sur une question, faut-il donc, ainsi que l’a dit M. Dupin, abandonner le pays sur cette question plutôt que le ministère ? Est-on conservateur pour conserver les hommes et non les choses ?