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qui son ancêtre avait légué la fermeté du caractère et l’esprit de résolution, met à s’effacer autant de soin qu’il en pouvait autrefois employer à conquérir le premier rang. Depuis long-temps infirme, M. de Sà da Bandeira, chaque jour davantage, se détache, en dépit de lui-même, de la vie publique. Découragé de n’avoir pu renverser le premier ministre, M. le duc de Palmella, cette célébrité européenne dont le Portugal a été si fier, aurait-il perdu dans ses derniers efforts contre M. da Costa-Cabral ce qui lui pouvait rester encore d’énergie et d’ardeur ? Tout récemment, on annonçait que M. de Palmella venait de dire adieu à son pays, et qu’il allait définitivement se fixer à Paris ou à Bruxelles. M. de Bonifiai a aussi quitté le Portugal, à la suite des derniers pronunciamientos. Avec la noblesse miguéliste elle-même, avec tous les hommes qui se sont illustrés au service de dom Pedro et de sa fille, il serait fort difficile de constituer une assemblée aristocratique ; ces élémens supprimés, il ne reste plus rien. À la chambre des députés, la minorité opposante est un peu plus nombreuse, un peu plus compacte, plus résolue surtout à l’attaque, ou, pour mieux parler, plus résignée à la résistance. Si l’on veut savoir de quels élémens cette minorité se compose, et au nom de quels principes elle combat l’administration de M. da Costa-Cabral, il est temps que nous définissions les partis qui, en ce moment, agitent le Portugal.

Le parti miguéliste se divise en deux fractions bien distinctes, les absolutistes purs, et ceux qu’à toute force on pourrait appeler les absolutistes constitutionnels. La première de ces fractions se compose des plus anciennes familles nobles que la révolution a dépouillées de leurs privilèges, des débris monastiques, qui, du reste, ne tarderont pas à disparaître. Nous ne parlons pas des bandits qui, dans les montagnes des Algarves ou dans les plaines de l’Alemtejo, sont toujours prêts à mettre leurs escopettes au service des causes déchues ; si demain dom Miguel rentrait au palais des Necessidades, dès demain ces prétendus champions de l’infant ne manqueraient point de se proclamer constitutionnels.

La seconde fraction miguéliste est la plus éclairée, la plus importante ; nous ne doutons pas qu’un gouvernement habile ne parvînt à dissiper ses scrupules et à vaincre ses dernières répugnances ; elle se compose des hommes un peu avancés de l’aristocratie de naissance et des meilleurs membres du clergé séculier. Il y a quelque temps déjà, toutes leurs prédilections étaient pour ce despotismo illustrado qui, sous M. Zea-Bermudez, a subsisté un jour en Espagne, et dont M. le marquis de Viluma ne serait point fâché de donner une seconde édition. Depuis deux ou trois années, pourtant, les miguélistes éclairés et intègres semblent se laisser volontiers entamer par les idées nouvelles ; tout récemment ils ont pris le parti d’envoyer leurs mandataires, non point au sénat, mais à la chambre des députés. Dans cette chambre, ils ont pour représentans deux hommes qui à la vérité ne leur appartiennent point par la naissance, mais qui expriment exactement leurs idées et leurs tendances, un riche propriétaire, M. Canavarro, un jeune médecin, M. Beirao, esprit judicieux, orateur facile, dont l’avenir est acquis,