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offrait une compensation. Ainsi a fait l’Angleterre, qui, à l’époque où elle avait l’espoir d’obtenir un nouveau traité de Méthuen, n’a point usé de son privilège. Maintenant que les négociations commerciales paraissent indéfiniment ajournées, l’Angleterre est revenue sur sa concession : tout récemment, le cabinet de Saint-James a, lui aussi, nommé son juge conservateur.

La compensation que désire l’Espagne, c’est un traité qui, à la frontière, renverse les barrières qu’y ont élevées les antipathies et les préjugés des deux derniers siècles, un traité qui fonde une franche et sérieuse alliance commerciale, un traité qui rétablisse enfin la navigation non-seulement sur le Duero, mais sur la Guadiana et le Tage, à des conditions telles que les deux peuples y trouvent leur profit. Plus qu’en Espagne peut-être, un pareil traité donnerait en Portugal une toute-puissante impulsion au commerce et à l’industrie ; le Portugal est un de ces pays où l’industrie et le commerce ne demandent qu’à prospérer. En dépit des guerres civiles et des inquiétudes publiques, le commerce de détail est çà et là très florissant ; la Péninsule entière n’a pas de magasins comparables à ceux de Porto. Le Minho, Beira, Lisbonne, Portalègre, possèdent des tuileries excellentes, de belles fabriques de draps, de nombreux martinets ; à Porto, déjà, on commence à construire de solides machines à vapeur. En sera-t-il de tous ces établissemens comme des fonderies que, faute de débouchés et de combustibles, faute surtout de routes sûres et commodes, on s’est vu contraint d’abandonner ? En serait-il comme de toutes les exploitations de mines, qui seules eussent ramené un peu de bien-être dans les provinces, mais auxquelles il a fallu également renoncer ? On aura peine à concevoir, si l’on ne connaît point le Portugal, jusqu’où l’incurie est poussée par le gouvernement de Lisbonne. Depuis trois ans qu’il est ministre, M. da Costa-Cabral n’a pas même eu le temps de faire dresser une statistique de ce que le Portugal a pu conserver d’industrie ; d’une province à l’autre, de l’une à l’autre ville, les intérêts matériels sont aussi complètement isolés que si entre villes et provinces il y avait tout le continent africain. A Lisbonne, un petit nombre de fabricans avaient organisé une sorte d’exposition annuelle, pensée féconde qui infailliblement eût ranimé dans le royaume l’émulation industrielle, pour peu qu’on se fût mis en devoir de l’encourager. M. da Costa-Cabral n’y a seulement pas pris garde, et nous craignons bien que la pauvre petite exposition de Lisbonne n’ait pas le moindre avenir.

Le gouvernement de Lisbonne est formellement accusé par ses adversaires de ni avoir rien fait ni pour l’industrie ni pour le commerce, rien en qui doive un jour relever la monarchie portugaise. Nous comprenons l’impuissance du gouvernement de Lisbonne : eût-il les meilleures intentions du monde, comment un si bon propos tiendrait-il aux continuels embarras que lui suscite l’étroit arbitraire qu’il essaie de faire prévaloir contre les institutions ? Nous ne contestons point l’énergie ni même le talent de M. da Costa-Cabral ; mais en un pays où toutes les ambitions personnelles se sont jusqu’ici librement donné carrière, le gouvernement ne devrait chercher sa vraie force que dans les principes. Par malheur, cette force des principes