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généraux, la grande fortune de Bonaparte, l’étude exclusive des sciences physiques, l’ardente lecture de tous les ouvrages enfantés par le génie révolutionnaire, tout contribuait à nourrir parmi ces élèves une exaltation qui s’attachait encore au fantôme de la république, et le pouvoir nouveau ne jugeait point à propos de contrarier ces illusions, qu’il employait à son profit. Hercule de Limoëlan fut jeté dans cette brûlante atmosphère.

Quand il entra dans l’école, il venait de s’y former justement une conspiration qui n’était d’abord qu’un jeu d’enfant, sous la conduite d’un certain Marius Malseigne, jeune homme fougueux, hardi, emporté dans ses opinions, qui s’était attribué une grande autorité, et qui régnait, pour ainsi dire, entre ses camarades. Sa taille haute, la violence de ses propos, de grands airs de générosité et de résolution, expliquent cette influence. Par l’apparente conformité des sentimens, aussi bien que par la division profonde de leurs opinions, s’il est possible toutefois d’expliquer cette bizarrerie. Hercule se trouva bientôt fraternellement lié avec ce jeune homme.

À cette époque, le parti républicain, c’est-à-dire les restes du jacobinisme de 93, intriguait encore dans l’ombre contre un pouvoir mal affermi. Déjà ses efforts s’étaient marqués par des entreprises célèbres et des projets d’assassinat contre la personne du premier consul. Ses vues se tournèrent enfin sur ce foyer de républicanisme entretenu dans l’école. D’anciens montagnards y nouèrent des relations, dirigèrent ces jeunes courages, et la conspiration prit de l’importance ; mais la police avertie veillait. Marius Malseigne, dans l’école, demeura le chef du complot.

À la date du 11 brumaire an x (2 novembre 1802), M. de Limoëlan écrivait à son fils :

« Vos études sont à peu près achevées. Si vous m’avez obéi, vous devez être tel que je voulais que vous fussiez. Dans tous les cas, pour des raisons pressantes, je vous prie et vous ordonne de quitter Paris sur-le-champ, et de venir, dès que vous aurez reçu cette lettre, me rejoindre à La G…, où je vous communiquerai mes intentions.

« G. de L. »

Hercule répondit à cette lettre :

« Mon très honoré père,

« Vous m’avez élevé dans la loyauté, et je compte que vous me pardonnerez de me montrer digne de vos leçons et de vos exemples.