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ont causé ; ils ne s’arrêtent dans le crime que quand le crime les menace eux-mêmes, et se laissent enfin sottement égorger. Pour Danton, je n’ose seulement me figurer ce hurleur sanguinaire, payé par la cour, par les factions, par tout le monde, qui se repose de ses boucheries, le verre à la main, parmi des prostituées, et qui recommence, dans les hôtels qu’il a pillés, les orgies de cette noblesse qui du moins n’égorgeait personne. Parlerons-nous de ce venimeux Robespierre, qui sacrifie à sa vanité bestiale jusqu’à ses complices, jusqu’à Desmoulins et Danton dont le sang l’étouffe ? La liberté, la patrie ne sont plus rien si l’on a sifflé les platitudes de ce pédant sinistre qui expire enfin avec les convulsions d’un reptile impur, dans ce sang dont il s’est trop gorgé. Eh bien ! que t’en semble ? une plus abjecte tyrannie souilla-t-elle jamais le souvenir des hommes ! Les constitutions, le croirait-on ? se succèdent d’année en année et ne sont que des impostures ; la guerre et l’échafaud détruisent les peuples, et le tout aboutit à couronner cinq malheureux de chapeaux empanachés à la Henri IV. Qu’est-ce qui l’emporte, le crime ou la démence ? Ô honte ! ô patrie ! ô nom sacré de la liberté déshonoré par des monstres ! ô cause de l’humanité à jamais compromise ! Est-ce donc pour cela que la France s’est noyée dans le sang, qu’on a osé tout ce que nous avons vu ? La France a été dupe, et je l’explique à ma manière : le gros de nos assemblées fut composé d’hommes imprévoyans et sans courage que quelques scélérats dominèrent par la terreur. Rappelle-toi la convention, rappelle-toi ces centres, c’est-à-dire la majorité, votant sous les poignards ou à l’ombre de la guillotine. Détrompés, dégoûtés de la révolution, ils s’en retirent au plus vite et se vendent, comme tu vois, au plus bas prix. La même chose eut lieu dans la nation, elle est aujourd’hui refroidie, exténuée, elle rouvre les yeux. Que devient donc ce prétendu mouvement révolutionnaire qu’on a cru général ? Il n’a jamais été dans la multitude, et je refuse de le reconnaître dans cette minorité de scélérats dont je parle, et qui me feraient rougir d’aimer la liberté, s’ils la soutenaient. Si tu doutes de cet état de la France, vois dans les bras de qui elle se jette. Je craindrais de te décourager si je te connaissais moins ; la vertu ! la vertu ! voilà le signe des miens ; c’est à nous de la faire triompher ; du moins il nous sera doux et glorieux de mourir pour elle.

« Salut et fraternité. »

Cette lettre fut livrée à l’autorité par Malseigne lui-même, dont la trahison ne coûta guère : l’ambition, la faiblesse qui se cache tou-