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il commença de la trouver assez ridicule ; il se voyait sans raison peut-être caché dans un souterrain, livré pour tout un jour à l’ennui, et se repentait d’avoir cédé si vite aux frayeurs de Langevin, qu’il connaissait pour un poltron. D’ailleurs, il craignait de demeurer trop longtemps éloigné de son poste, et cette inquiétude plus grave ne faisait que croître à mesure que le temps passait, si bien qu’il se promit de sortir du château s’il le pouvait, et de se remettre en route au plus vite, en se réservant de faire avertir Langevin par le premier paysan qu’il rencontrerait. Ces idées roulaient confusément dans sa tête, et machinalement il s’était approché d’une meurtrière d’où son regard errait sur une portion du pays environnant, que sa vue pouvait embrasser par ce petit jour. Les premiers rayons du soleil glissaient sur ces belles campagnes. Un paysan, son outil sur l’épaule, côtoyait au loin un champ de genêts. Il reconnut ces beaux paysages si chers à son souvenir. Le ciel était pur, et ce tableau lumineux, encadré dans les pierres de la meurtrière, tranchait avec la profonde obscurité du lieu où se cachait Hercule. Il demeura quelques instans devant ce spectacle, plongé dans mille rêveries confuses.

Cependant Langevin, étant heureusement sorti de la tour par les mêmes passages, courut chez lui, fit deux ou trois fois le tour de son clos, et, par suite des mouvemens qu’il crut découvrir à Lagrange, jugea prudent de demeurer quelque temps dans sa maison. Bientôt, pensant que le château était désert, il se dirigea de ce côté comme en faisant sa ronde ordinaire. En effet, le plus grand silence y régnait ; tout était fermé, et, cette inspection terminée, il conçut l’espoir de faire immédiatement évader le capitaine par les chemins de traverse. À tout hasard il prit chez lui sa gourde, un peu de pain, et se glissa comme la première fois jusqu’à la poterne. Il descend à la hâte, pressé d’ouvrir son plan à Hercule ; il l’appelle de loin à voix basse ; l’écho des voûtes ne lui renvoie que le même bruit. Il avance en appelant, il prête l’oreille, et, n’entendant rien, comme il était assez proche de l’endroit où il avait laissé le capitaine, il s’inquiète, tire un briquet, et se guide avec la lumière. Il court au corps-de-garde, à la prison voûtée. Hercule n’y était plus. Langevin trouva seulement par terre le petit volume qu’il lui avait vu dans les mains. Il n’en fallait pas tant pour épouvanter le concierge ; la peur le gagna, et il s’enfuit en criant : Monsieur Hercule ! monsieur Hercule ! Il revint au jour, convaincu que le malheureux jeune homme avait été la victime de quelque maléfice, de quelque attentat mystérieux, et qu’il fallait le chercher dans les entrailles du vieil édifice. À peine dehors, la terreur qui l’oppressait