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ne suis pas un espion, je ne suis qu’un ennemi, et j’ai surpris vos secrets malgré moi. Que ce soit mon seul titre à mourir de vos mains. Voici mes armes. Vive la république !

Son regard, fermement fixé sur le comte, semblait n’adresser qu’à lui ces paroles. L’homme qui prenait le titre de major lui demanda tout bas s’il n’avait rien de plus à dire. Hercule mit la main sous son uniforme et en retira un couteau qu’il jeta sur la table en disant :

— J’oubliais encore cette arme.

Aussitôt deux hommes lui portèrent avec un certain respect la main sur l’épaule, tandis que d’autres se groupaient silencieusement en peloton militaire qui s’alla ranger à quelques pas sous les piliers. Les deux hommes qui tenaient l’officier le menèrent vers le mur opposé, et cette exécution sans sursis et sans appareil ne semblait plus qu’une froide horreur. À ce moment même, des coups sourds retentirent dans les profondeurs du caveau. Le comte se leva en criant : — Tirez sur le traître ! Mais en même temps l’ouverture livrait passage à des hommes en uniforme, la baïonnette au bout du fusil et qu’on ne distingua que lorsqu’ils furent tout proches. Le comte s’élança de son siège et courut sur Hercule en levant une arme qu’un autre homme retint ; cet homme était Langevin qui poussait des cris affreux. D’autres voix criaient : — Rendez-vous ! rendez-vous ! la défense est impossible ! Plusieurs coups de feu remplirent le caveau d’une fumée épaisse qui ajoutait à l’horreur de la scène. Hercule vit tomber près de lui deux ou trois hommes qui l’environnaient. Tout ceci dura moins qu’un éclair. Comme Hercule se jetait au-devant des soldats, une balle partie du fond lui perça le bras ; il s’écria : — Arrêtez ! obéissez à votre capitaine !

— Capitaine ! lui dit son lieutenant la rage dans les yeux, je vous trouve bien hardi. Vous n’êtes plus qu’un prisonnier, rendez-moi votre épée.

Deux soldats saisirent Hercule, et les autres, poussés par l’officier, se répandirent en tout sens dans l’enceinte, à la lueur de quelques torches ; mais le gros des conjurés avait disparu par une issue fermée de lourdes grilles. On releva trois ou quatre de ces hommes qui étaient tombés, et qu’on acheva dans la première fureur. Tandis qu’on ébranlait la grille. Hercule se retourna et vit à ses côtés Langevin éperdu, qui s’attachait à ses habits ; il le repoussa et, apostrophant l’officier :

— C’est sans doute ma présence en cet endroit que l’on accuse, lieutenant ?