Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 9.djvu/715

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
709
LIMOËLAN.

— Je n’ai point à vous répondre, capitaine ; vous rendrez compte à qui de droit.

Les soldats se précipitèrent dans l’issue, dont les grilles venaient de céder. Ils remontèrent par de longs corridors jusque sur une plateforme peu élevée qui aboutissait aux fossés, en un endroit où le rempart était démoli. Ceux qui étaient devant crièrent que les chouans s’étaient échappés. On reprit alors le chemin de Lagrange, que l’on vit de loin occupé par un détachement nombreux. Hercule marchait le dernier, entre les hommes qui le gardaient. Le commandant vint au-devant de lui.

— Comment, diable ! capitaine, vous mélez-vous aussi de trahir ?

— C’est-à-dire, s’écria Hercule avec emportement, que tout me trahit moi-même. Quant à moi, je n’ai trahi personne, et sans doute je le ferai voir.

Le commandant haussa les épaules.

— J’ai ordre de vous faire juger immédiatement en conseil de guerre ; c’est un grand regret pour nous. L’adjudant-général m’écrit qu’il sera ici ce soir ou demain ; il entend mettre la plus grande promptitude à cette affaire, qui, malheureusement pour vous, occupe depuis long-temps l’autorité supérieure.

Il se retourna vers les officiers.

— Vous entendez, messieurs ; assemblez vos hommes, et que tout soit prêt.

Le lieutenant Simon s’approcha du commandant et lui dit à voix basse :

— Je ne croirai jamais que Limoëlan soit coupable. C’est un bon républicain, fier, entêté, mais incapable d’une trahison.

— Je ne demande pas mieux que de le sauver, dit le commandant, mais cela me paraît bien difficile ; en attendant, obéissons.

Hercule fut enfermé dans une pièce du rez-de-chaussée de sa propre maison. Cet événement causait une grande émotion parmi les soldats. Il entendit long-temps des rumeurs autour du château et des roulemens de tambours qui signalaient divers mouvemens. Puis il considéra ces meubles familiers dont il était entouré, et tomba dans un tel accablement qu’il n’entendit point la porte qui s’ouvrit avec un bruit léger. Le lieutenant Simon, qui venait d’entrer, le trouva dans cet état devant un petit cadre de médaillons où étaient peints sa mère, son aïeul, et son père en son ancien uniforme.

— Eh bien ! capitaine, s’écria Simon, il n’y a pas de temps à perdre, si tu veux te tirer d’ici.