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d’eau. Si cette étendue était divisée par portions moyennes entre les Parisiens, chacun deux aurait pour domaine 43 mètres carrés ; mais la distribution de l’air et de l’espace est fort inégale entre les habitans du centre et ceux des quartiers excentriques. Trois arrondissemens qui comprennent des faubourgs, le 1er, le 12e et le 8e, occupent de 4 à 6 millions de mètres carrés, au contraire, le 4e, le 7e et le 9e n’en mesurent que 5 a 700,000, soit environ la neuvième partie. Il résulte de cette disproportion que l’habitant du 1er ou du 8e arrondissement a pour se mouvoir un terrain de 83 mètres carrés, tandis que celui du 4e ou du 7e n’a qu’un carré de 12 mètres La différence est bien plus grande encore, si l’on établit la comparaison non plus entre les douze arrondissemens, mais entre les quartiers qui sont, comme chacun sait, au nombre de 48. Habitez-vous le quartier des Champs-Elysées, votre lot est un carré de 190 mètres : êtes-vous l’un des hôtes laborieux du quartier des Arcis, 7 mètres carrés doivent vous suffire.

Le chiffre de la population parisienne a diverses époques pourrait être interrogé par les hommes d’état pour constater le degré de la vitalité nationale. Paris, c’est le cœur de la France, qui se gonfle et bat largement quand le pays prospère, qui se comprime pendant les mauvais jours. Le plus ancien des dénombremens officiels, celui de 1694, donne à la grande cité 720,000 ames, évaluation moins exagérée peut-être que ne le croyait le judicieux Vauban. À cette époque l’étoile du grand roi n’avait pas encore pâli aux yeux des peuples. Le canon de Fleurus, de Steinkerque, de Nerwinde, retentissait glorieusement on était à la veille de la paix de Ryswick. Vingt ans plus tard, après les pertes et les humiliations d’une guerre désastreuse, après les ravages de la famine et des épidémies, la population de Paris avait subi une dépression que les documens publics n’ont pas constatée, mais qui dut être considérable. On s’en ressentait encore un demi-siècle après la mort de Louis XIV, si toutefois on peut s’en rapporter au dénombrement approximatif de 1762, qui accuse seulement 600,000 ames. Une légère augmentation pendant le règne de Louis XVI, est un témoignage des efforts sincères de ce monarque pour le bien public ; en 1784, une évaluation, basée par Necker sur le nombre des naissances, donna le chiffre 620,000, résultat confirmé postérieurement par des calculs plus précis. Tout à coup, le ciel s’assombrit, l’orage gronde : l’égoïsme et la peur déciment la ville du luxe et des autres vont se blottir obscurément dans les provinces, pour laisser passer la tempête.