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par la seule envie de donner quelques signes d’une prompte déférence, l’Angleterre livra la partie du premier coup.

Deux prétendans pouvaient alors à chances égales se disputer l’héritage d’Abbas-Mirza. Il y avait d’abord l’aîné de ses frères survivans, le prince de Schiraz. Maître presque indépendant d’une des provinces méridionales de l’empire dont les tribus belliqueuses affectionnaient la puissance britannique, il passait lui-même pour abhorrer l’influence des Russes ; c’était sur son propre droit et non sur elle qu’il fondait l’espoir d’obtenir un trône où l’appelait la coutume de l’Orient, les fils du roi régnant venant d’ordinaire avant ses petits-fils. Mais il en était un parmi ceux-là qui au titre contestable de sa naissance joignait encore des titres bien autrement efficaces. Façonné depuis long-temps à l’autorité moscovite si bien établie dans le district d’Azerbijan, dont il était gouverneur, Mohammed-Mirza, fils d’Abbas, pouvait compter sur le bénéfice de son voisinage et de son éducation pour lui valoir une faveur dont ses patrons entendaient certainement profiter. Au moment même où mourait son père, il s’employait à leur service, commandant alors une première expédition qui leur préparait déjà le chemin de l’Afghanistan. Ce fut partie remise ; mais la Russie ne pouvait être ingrate, et l’Angleterre voulut bien être dupe.

Le 3 janvier 1834, le secrétaire de l’ambassade anglaise à Saint-Pétersbourg écrit à lord Palmerston :


« On suppose ici que le shah de Perse nommera Mohammed-Mirza pour son successeur ; j’ai des raisons de croire que son choix ne déplaît pas au gouvernement russe. »


Il écrit encore le 28 dans ces termes significatifs :


« Le comte Nesselrode considère les intérêts que nous avons en Perse comme tout-à-fait identiques à ceux de la Russie, et il désire vivement que le gouvernement de S. M. britannique puisse se mettre en bonne entente avec le gouvernement russe au sujet de ce pays (a good understanding).


Ce mot, maintenant si fameux et pourtant si vide, ne serait-il donc en réalité qu’un écho de Saint-Pétersbourg, venu jusqu’à nous en passant par Londres, une de ces phrases creuses inventées tout exprès par la Russie pour sembler des systèmes et leurrer les cabinets ? Voyez seulement avec quelle docilité lord Palmerston va la relever et la prendre à son compte. Il n’y avait point là de proposition directe d’un ministère à l’autre ; c’était une simple communication par voie détournée, un rapport écrit à la hâte sur un propos purement officieux, sans motifs et sans considérans. Il suffit à lord Palmerston de cette