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ramener hautement à l’esprit dans lequel on l’avait d’abord acceptée. C’était une question de vigueur et de franchise ; on pouvait déclarer que l’Angleterre, en s’obligeant elle-même, avait bien entendu obliger la Russie au même titre et par les mêmes conventions ; que, la base commune de cet accord étant le désir mutuel de la paix, l’Angleterre s’opposait décidément à ce que tout autre langage fût maintenant considéré comme émanant de Saint-Pétersbourg : on pouvait dire à la Perse que l’envoyé russe la trompait, que l’Angleterre ne lui souffrirait jamais cette ambition renaissante, et que, bien résolue à contrarier ses projets, elle ne voulait pas même en laisser commencer l’exécution. Mais c’était par-dessus tout une question d’ordre général, un débat international qui devait s’agiter à Londres et non point à Téhéran, de cabinet à cabinet, clairement et directement, par les chefs même des deux politiques, et non par des agens inférieurs. Nous allons voir pourtant à quoi l’on s’en tint, et où l’on se réduisit.

Le 25 juillet 1835, lord Palmerston écrit pour la première fois à M. Ellis, ambassadeur extraordinaire en Perse ; ce sont quelques lignes bien malheureuses :


« Vous avertirez spécialement le gouvernement du shah de ne point se laisser pousser à faire la guerre contre les Afghans. Que la Perse réussisse ou non, ses ressources n’en seraient pas moins dissipées dans cette guerre, et ses moyens de défense diminués pour l’avenir. »


Voilà le grand effort de cette politique peureuse : toujours des insinuations qui toujours serviront d’armes pour la battre ! Politique déshonnête, puisqu’il faut bien, quand on écrit ainsi, se cacher d’un allié auquel on avait promis toute confiance ; politique impuissante à force d’être vague et détournée, puisqu’on en est à soigner timidement soir propre intérêt sous au de servir l’unique intérêt des autres ! Quel poids sauraient avoir de si débiles paroles à côté des âpres insistances de la Russie ? La Russie ne peut-elle pas au contraire en tirer avantage, et l’Angleterre ne semble-t-elle point encourager des projets qu’elle combat si mollement ? N’est-ce point donner carte blanche à la Perse que de lui prêcher la modération par amour pour elle et non par respect pour soi ? N’est-ce pas tout exprès se rejeter en arrière pour montrer d’avance à la Russie qu’elle aura les chemins ouverts et le champ libre ? Elle y comptait bien.

Un mois après l’arrivée des instructions de lord Palmerston, M. Ellis lui écrivait de Téhéran :