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amis. « Il se réjouit, dit-il encore le 5 septembre, il se réjouit en songeant que les deux gouvernemens sont également animés du sincère désir de maintenir à la Perse non-seulement sa tranquillité intérieure, mais aussi son indépendance et son intégrité. » Il y avait là sans doute une recommandation discrète à l’endroit des protecteurs ambitieux ; c’était une double restriction glissée timidement sous un acte de faiblesse. Malheureusement cette restriction même devait tourner aux dépens de lord Palmerston, et, parce qu’ils n’osaient point être assez explicites, les termes qu’il employait vinrent à la fin retomber sur leur auteur. C’étaient des mots pleins de ressources pour les habiles, et d’une interprétation périlleuse pour qui ne saurait pas les tirer à lui le premier. On eût dit en vérité que la Russie les avait mis elle-même dans la bouche du ministre anglais, et, parlant à son bénéfice, elle n’eût certes pas mieux parlé. Ce furent pour elle des occasions uniques dont elle ne manqua pas de profiter à temps contre l’Angleterre. C’est en effet sous prétexte de maintenir « l’intégrité » de la Perse, que les Russes vont dans deux ans pointer une seconde fois ses canons contre Hérat, et la pousser d’un pas de plus sur la route de l’Inde. Ce sera pour maintenir son « indépendance » qu’ils sauront, deux ans encore plus tard, l’amener tout entière de leur côté, affectant alors d’avoir à défendre contre l’Angleterre un principe que leurs intrigues forcent l’Angleterre à combattre après l’avoir elle-même proclamé. Voilà par quel renversement de toutes les probabilités politiques lord Palmerston se trouvera puni d’avoir reculé devant une explication plus nette de ses justes appréhensions. On ne gagne jamais à vouloir insinuer de biais ce qu’on a droit d’exiger en face.

Mohammed-Mirza était à peine le maître de ses états qu’il songeait à les augmenter. Roi par la grace de la diplomatie russe et des arrhes anglaises, il aspire pourtant à renouveler les conquêtes de Nadir ; il veut attaquer les Indes en marchant par Hérat. Tant d’audace ne pouvait lui venir sans quelques bons conseils, et, au chemin qu’on lui voyait prendre, on reconnaissait déjà le doigt de la Russie. Traînée par elle comme à la remorque, liée par des engagemens dont nous avons montré toute l’intimité, l’Angleterre avait alors besoin de plus d’énergie pour sortir du mauvais pas où elle s’était mise qu’elle n’en avait eu jadis quand elle y était tombée. Fallait-il donc subir ces extrémités ? Fallait-il qu’on eût organisé les forces militaires de la Perse pour les employer au service de la Russie et les tourner contre ses propres alliés, contre soi-même ? Était-ce à pareille fin que devait aboutir l’alliance angle-russe ? Non, si l’on savait parler ferme et la