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aux Afghans[1]. C’était là d’ailleurs l’avis d’Alexandre Burnes ; il écrivait : « Si nous pouvons rétablir l’union dans la famille des Baraksaïs, ce que je regarde comme très aisé, nous élèverons dans ce pays, au lieu d’états divisés et ouverts à toutes les intrigues, une barrière qui préservera nos possessions. » Dost-Mohammed, homme intelligent et résolu, se fût prêté de grand cœur à cette salutaire politique ; mais, menacé par l’alliance du prétendant Douranien avec les Sykhs et par l’alliance des Sykhs avec les Anglais, il ne pouvait renoncer à se chercher un appui d’un autre côté ; l’Angleterre elle-même, à force de rigueurs mal entendues et de partialité maladroite, le jette malgré lui dans les bras des Russes, les appelant ainsi sur le chemin qu’elle prétendait leur fermer.

La première communication dont il y ait preuve entre le Kaboul et la Russie date du commencement de 1836 ; encore a-t-elle été regardée plus tard comme une invention mensongère, et, quand on l’a mise sous les yeux du parlement, on n’en avait pas au préalable bien vérifié l’authenticité. C’est une lettre adressée par Dost-Mohammed à l’empereur, quoique Dost-Mohammed ait toujours soutenu qu’il ne l’avait pas écrite. On était peut être bien aise d’avoir à l’avance un grief contre un prince qu’on voulait à toute force traiter en ennemi. Vraie ou supposée, voici la lettre du khan de Kaboul :


« Il y a beaucoup de sujets de querelles et de différends entre la maison royale des Douraniens et la mienne. Le gouvernement anglais incline à soutenir Soudjah-Oul-Moulk. Ce gouvernement a sous sa domination l’Hindoustan tout entier, et il est très lié avec Runjet-Singh, le seigneur du Pandchab, son voisin. Il ne montre point à mon égard de sentimens favorables, parce que j’ai toujours combattu les Sykhs tant que je l’ai pu. Votre gouvernement impérial a fait amitié avec les Persans ; s’il plaisait à votre majesté d’arranger aussi les choses dans le pays des Afghans et d’assister cette nation, qui se monte à vingt lacs de familles, vous me rendriez votre serviteur. J’espère que votre majesté impériale m’accordera la faveur de me recevoir comme les Persans eux-mêmes sous sa protection particulière et sous celle de son gouvernement. Mes Afghans et moi nous pouvons devenir utiles de plus d’une façon, et c’est chose qu’on pourrait toujours essayer, quoi qu’il plût à votre majesté de décider à notre sujet. »

  1. C’était même ce qu’on avait fait en 1809 lors de l’union momentanée de la Russie, de la Perse et de la France contre l’Inde anglaise. Pendant que l’Angleterre combattait à Téhéran l’influence du général Gardanne par la mission de sir Hartfort Jones, elle soulevait l’Afghanistan contre la Perse, dont elle venait d’employer les ressources contre l’Afghanistan lui-même.