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Si Dost-Mohammed était réellement l’auteur de cette dépêche, il avait bien changé de conduite au mois de mars suivant ; lord Auckland venait d’arriver, en qualité de gouverneur-général, amenant avec lui l’espoir d’une nouvelle politique. Post-Mohammed s’empresse de retourner aux Anglais et d’en appeler à eux.


« Votre seigneurie n’ignore pas les dernières transactions qui ont eu lieu dans ce pays, la conduite injuste et malavisée des Sykhs, les infractions qu’ils ont commises contre les traités. Dites-moi tout ce que votre sagesse pourra vous suggérer pour régler cette affaire ; instruisez-moi, guidez-moi. J’espère que votre seigneurie me considérera, moi et mon peuple, comme étant tout à elle, et me favorisera souvent de ses lettres bienveillantes. Quoi qu’il vous plaise de décider par rapport à mon gouvernement, je m’y conformerai toujours. »


Lord Auckland répondit le 22 août avec les assurances les plus amicales, promettant son impartiale médiation pour réconcilier les Afghans et les Sykhs. C’était encore le temps où le ministère louvoyait en Perse, biaisant et reculant devant les Russes ; il n’avait pas davantage de parti pris dans l’Inde ; on s’en tenait même à peu près aux règlemens des communes de 1782 qui ordonnaient à la compagnie une absolue neutralité vis-à-vis des princes du pays. C’était alors d’ailleurs que l’on se laissait si facilement rassurer par lord Durham au sujet du comte Simonich ; on affectait la tranquillité, on se dissimulait quand même les progrès des Russes ; il était naturel qu’on permît à la cour des directeurs de reprendre un moment ses vieilles traditions de sagesse, et de séparer encore une fois sa politique des complications européennes. Ils écrivaient donc le 20 septembre 1837, en réponse à toutes les communications du gouverneur-général du 2 juillet 1832, au 17 mars 1836 :


« Quant à ce qui concerne les états qui sont à l’ouest de l’Indus, vous avez uniformément suivi la ligne que vous deviez tenir ; il ne faut avoir de liaison politique avec aucun gouvernement de ce pays, il ne faut prendre aucune part dans leurs querelles. »


Le principe n’avait peut-être pas été si rigoureusement observé qu’on voulait bien le dire ; mais, enfin, on le professait toujours ; il allait suffire d’une année pour tout renverser. Et cependant à la même époque, au commencement de 1837, lord Auckland envoyait Burnes à Kaboul, lui mandant qu’il eût à s’y occuper uniquement de relations commerciales et d’intervention pacifique ; on ne prétendait apaiser les différends de Dost-Mohammed et de Runjet-Singh que dans l’intérêt