Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 9.djvu/854

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
848
REVUE DES DEUX MONDES.

devenir une révolution, fit la part de tous les droits, au milieu des périls de la guerre et sous les cris de l’émeute, avec la calme équité qu’on aurait apportée dans le règlement d’une contestation privée.

Après l’abjuration de Saint-Denis, un tel arrêt devenait le signal de la prochaine entrée du roi catholique et français dans la capitale de son royaume. Neuf mois d’attente s’écoulèrent cependant, plus remplis par les négociations secrètes que par les opérations militaires, et durant lesquels la corruption fut pratiquée avec aussi peu de ménagement que de scrupule.

Les spéculateurs qui, dans la nuit du 22 mars 1594, livrèrent aux troupes royalistes la porte Saint-Honoré et introduisirent clandestinement Henri IV dans Paris, cédèrent moins à des considérations politiques qu’à des motifs d’intérêt privé. Comme le disait quelques jours après le monarque gascon dans un accès d’humeur joyeuse, en se chauffant à la large cheminée du Louvre, ils vendirent à César ce qui appartenait à César[1]. Mais telle était la condition faite au Béarnais, et qu’il accepta durant tout le cours de son règne avec une facilité dont il est difficile de faire honneur à son esprit chevaleresque.

À peine installé à Paris, il courait faire visite à mesdames de Nemours et de Montpensier, adressait des émissaires à tous les princes de Lorraine, et préparait le bilan de toutes les consciences ennemies. Il achetait Rouen de Villars, l’un des plus furieux ligueurs, payait un million au duc de Joyeuse pour Toulouse, 800,000 livres à Lachâtre

    mise en délibération, la cour n’ayant, comme elle n’a jamais eu, d’autre intention que de maintenir la religion catholique, apostolique et romaine, en l’estat et couronne de France, sous la protection d’un roi très chrétien, catholique et français, a ordonné et ordonne que remontrances seront faites, cette après-dinée, par M. le président Le Maître, assisté d’un bon nombre de ladite cour, à M. le lieutenant-général de l’estat et couronne de France, en présence des princes et officiers de la couronne, estant de passage en cette ville, à ce qu’aucun traité ne se passe pour transférer la couronne en la main des princes et princesses étrangères, que les lois fondamentales de ce royaume seront gardées, et les arrêts donnés par ladite cour pour la déclaration d’un roi catholique et français soient exécutés, et qu’il ait à employer l’autorité qui lui est commise pour empêcher que, sous prétexte de la religion, la couronne ne soit transférée en main étrangère, contre les lois du royaume, et pour venir, le plus promptement que faire se pourra, au repos du peuple, pour l’extrême nécessité duquel il est rendu ; et néanmoins dès à présent a déclaré et déclare les faicts et ceux qui le seront cy-après pour l’établissement d’un prince et d’une princesse étrangère nuls, et de nul effet et valeur, comme faicts au préjudice de la loi salique et autres lois fondamentales du royaume. » (Journal du règne de Henri IV, par Pierre de l’Étoile, t. 1er, p. 368.)

  1. Journal de Henri IV, t. II, p. 10.