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l’on sait où il en est venu. Est-ce là le modèle que la Grèce veut prendre, et aspire-t-elle à la même renommée ?

Quoi qu’il en soit, le principal, le meilleur grief de la majorité actuelle contre le ministère Maurocordato, c’est que ce ministère avait employé la violence et la fraude pour éloigner ses adversaires des collèges électoraux, et voilà que deux mois après cette même majorité emploie pour exclure ses adversaires de la chambre des moyens qui ne valent guère mieux ! N’est-ce pas absoudre en quelque sorte le ministère Maurocordato et perdre tout droit de l’accuser désormais ? Ici d’ailleurs la politique est pleinement d’accord avec la justice. Il y a en Grèce, surtout dans la génération nouvelle, beaucoup d’hommes qui ne sont classés dans aucun des anciens partis, et qui se rallieront sans hésiter à quiconque assurera au pays un peu d’ordre et de liberté. Ces hommes jeunes, actifs, éclairés, pour la plupart, avaient prêté secours au ministère Maurocordato avant ses fautes, et paraissaient tout prêts à se détacher de lui. En les repoussant, en les frappant comme on vient de le faire, on les a rendus peut-être sans retour au parti qui déjà ne comptait plus sur eux.

On prétendait, il y a peu de jours, que le ministère, à propos des élections d’Hydra, était sorti de son impassibilité, non pour arrêter la réaction, mais pour la régulariser. On prétendait qu’après avoir réuni la commission, il lui avait fait prendre une détermination générale contre toutes les élections maurocordatistes qui restaient à vérifier. Je crois être certain que ce bruit est faux, et que jamais le ministère n’a commis une telle action. C’est déjà bien assez qu’on puisse lui reprocher d’avoir laissé faire. Le ministère, je le reconnais sans hésiter, ne devait pas, dans les circonstances où se trouve la Grèce, abandonner légèrement son poste et livrer le pays à de nouveaux déchiremens ; mais, sans faire de la question de vérification des pouvoirs ce que nous appelons une question de cabinet, peut-être pouvait-il obtenir un peu plus de respect pour la justice et pour la légalité. Quoi qu’il en soit, je le répète, ce n’est point à lui, ce n’est point même à ses amis les plus intimes que l’épuration de la chambre doit être surtout imputée. C’est à la portion la plus vive du parti napi-autochtone, de ce parti dont la domination, si elle pouvait jamais s’établir, serait pour la Grèce une calamité promptement sentie.

Je n’ai rien dit de quelques incidens qui ne me paraissent pas avoir une grande importance. Peu importe en effet que M. Balbi, ministre de la justice, ait eu la malencontreuse idée de soutenir que la loi de réélection des fonctionnaires salariés ne s’appliquait pas aux ministres,