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résulte de cette cruelle expérience qu’une mère qui éloigne d’elle son nouveau-né l’envoie à une mort probable. On se demande avec effroi à quoi servent alors tant de sacrifices qu’une aveugle humanité impose au trésor public. Avec la moitié de la somme (11 ou 12 millions) que dépense l’état en France pour l’entretien des enfans trouvés dans les hospices, il rendrait au moins les trois quarts de ces enfans à leurs mères.

Voilà bien assez de motifs pour remplacer un système de séparation et d’isolement par un système opposé. Vincent de Paule, Napoléon, vous tous, prêtres, moralistes, législateurs, qui avez voulu combattre le fléau des expositions, vous avez songé à l’enfant ; mais avez-vous songé à la mère ? Tout système qui n’embrasse pas l’un et l’autre dans sa prévoyance est à nos yeux un système incomplet, transitoire, inefficace. Comment séparer ce que la nature a si étroitement uni ? Il est affreux qu’une mère perde son enfant ; il est affreux qu’un enfant perde sa mère. L’état doit intervenir dans un tel sacrifice et descendre au secours de la femme avant qu’elle ait renoncé à ses devoirs. Le tour vient bien en aide aux naissances occultes ou malheureuses, mais il vient trop tard ; le tour ne soulage qu’à la condition de briser des liens, précieux. Il dit à la mère pauvre et abattue : Si tu ne veux pas le voir expirer dans tes bras, donne-moi ton enfant ! Le tour, c’est la séparation ou la mort. Cette institution n’est donc point définitive ; seulement il faut la remplacer avec toute sorte de ménagemens. La société