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XVe siècle, dont la plupart portent la date. Seulement quelques balcons fermés ont été ajoutés aux fenêtres pour empêcher le jour et surtout les regards de s’introduire du dehors dans l’intérieur des chambres. Des créneaux, de petites tourelles, des gouttières en pierre, s’avancent en saillie sur les façades ; de longs câbles sculptés marquent la séparation des étages. Dans l’architecture, des noms se sont conservés qui maintenant ne représentent plus rien. Qu’est-ce ; dans nos maisons modernes, qu’une croisée autour de laquelle règne un cordon ? Un assemblage de vitres et des moulures à l’entour. Mais les anciennes croisées représentaient exactement une croix, comme leur nom l’indique. La forme en fut adoptée à l’époque des croisades, et ce qu’on appela alors un cordon est bien réellement ce câble que je retrouve ici dans les encadremens.

« Ce qui contribue surtout à l’ornement, c’est la profusion d’armoiries en pierre ou en marbre blanc qu’on aperçoit jusque sous les toits ; quelquefois on voit réunis jusqu’à sept de ces écussons. La croix de l’ordre est partout, mais jamais seule ; la croix ancrée des d’Aubusson lui est accolée sur toutes les portes et les lieux les plus apparens, preuve évidente que la ville fut en grande partie reconstruite après le premier siège. On rencontre aussi fréquemment nos fleurs de lis : les maisons, ainsi décorées, présentent à l’œil un blason complet, souvent avec des devises et des inscriptions en caractères gothiques ; mais, au milieu de tant d’objets curieux, le voyageur éprouve un grand désappointement par l’impossibilité de se procurer à Rhodes le moindre renseignement. Les nobles hôtes de ces demeures n’ont laissé personne après eux, et cette colonie chevaleresque, en levant son camp, a emporté son histoire avec elle. Allez donc demander aux Turcs ce que fut Rhodes autrefois ? Ils ont trouvé des maisons vides, et s’y sont logés sans plus de façon, oubliant même d’enlever de dessus les murailles ces croix qui semblent encore les défier. Félicitons-nous de leur indifférence ; c’est à elle que nous devons la singulière conservation de cette glorieuse cité, dont il n’est pas exact de dire, ainsi que l’affirme l’abbé de Vertot, qu’elle n’était plus qu’un monceau de pierres et de terre quand elle fut rendue à Soliman, en 1522. »

C’est à Jérusalem que nous devions rencontrer de nouveau M. d’Estourmel. En faisant le tour de ces murailles où tant d’héroïsme a été prodigué par nos pères (non point en vain, car une lyre impérissable l’a célébré, et rien n’est perdu de ce qu’a touché le génie), notre voyageur chercha-t-il la brèche sur le haut de laquelle Raimbaud Créton, son aïeul, arbora le premier l’étendard de la croix ? J’en