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caractère et par naissance est curieuse à étudier ; on y trouve des traces profondes de cette mélancolie qu’inspire le malheur présent comparé avec la gloire et la grandeur passées. « Celui qui fait cette pétition, dit-il tout d’abord, est de race royale ; il ne désire point être traité avec faveur, il demande seulement à être jugé sans partialité, afin que, comme le dernier sujet de votre majesté accusé d’un crime, il puisse être tenu pour innocent tant qu’il n’y a pas de preuves de son délit. » Et plus loin il ajoute : « Comme les autres princes de l’Inde dont les états ont été écourtés (curtailed), le pouvoir amoindri, et qui ont été réduits à se courber sous l’ascendant britannique, celui qui fait cette pétition doit tout son territoire, tout le pouvoir dont il a jamais joui, toute la dignité dont il a jamais été entouré, au gouvernement de la Grande-Bretagne. » -Mieux qu’aucun de ses défenseurs, le raja fait ressortir la part qu’ont prise les brahmanes dans les attaques dirigées contre lui, et il prouve que son trône devait s’appuyer sur le concours des autorités britanniques, tandis que le seul fait de son élévation le mettait en hostilité directe avec la caste la plus influente de l’Inde, et lui ôtait tous les moyens dont il pouvait se servir pour soulever ses peuples contre la domination anglaise. C’est au nom de l’histoire qu’il parle ; les Pechwas, qui avaient usurpé le trône, appartenant à la caste brahmanique, l’installation d’un prince d’une autre caste diminuait l’autorité de cette puissante aristocratie, et la jetait dans une opposition systématique. De là sont partis les coups que, loin de détourner, on semble avoir pris à tâche de diriger contre le raja. Il expose en peu de mots les difficultés de sa situation, et sourit tristement à cette folle idée qu’on lui prête, d’avoir voulu tenter une attaque contre une puissance formidable avec ses propres forces, montant à quinze cents hommes, soutenus par les troupes des Portugais, dont l’effectif ne va pas au-delà de trois cents fantassins ! Il s’étonne que son prétendu complice ait été à peine interrogé sur une matière aussi grave, et nous nous étonnons avec lui qu’une pareille hostilité, même soupçonnée, de la part du gouverneur de Goa, n’ait pas amené entre les cabinets de Londres et de Lisbonne une explication quelconque. Il y a long-temps cependant que l’Angleterre n’a plus peur du Portugal.

En 1843, l’agent de Pertaub-Sing, Rungo-Bapojee, prononça un discours en mahratte à l’East-India-House. Il demanda pourquoi les papiers relatifs à la cause avaient été cachés, pourquoi on s’obstinait à ne pas les montrer publiquement, quand des défenseurs généreux osaient, avec tant de hardiesse et de désintéressement, dévoiler la conduite des persécuteurs de son maître. Envoyé par l’ex-raja, qui, comme tous les princes de l’Inde, s’était accoutumé à l’idée qu’on obtenait justice en Angleterre, il espérait qu’une enquête serait enfin ordonnée. Une lettre lui apprenait que le raja actuel, privé de postérité, se trouvant dangereusement malade, voulait adopter un fils ; pouvait-il le faire tant que Pertaub-Sing n’aurait pas été admis à prouver son innocence ? Un gouverneur de Bombay avait donné à entendre qu’au décès du présent roi, mort sans successeur légitime, le royaume de Sattara