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inscrite en ces termes dans l’article 8 : « Si le pavillon est primâ facie le signe de la nationalité d’un navire, cette présomption ne saurait être considérée comme suffisante pour interdire, dans tous les cas, de procéder à la vérification. » Il résulte de ces deux citations que l’Angleterre s’abstiendra de faire visiter les bâtimens protégés par le pavillon de la France, quand il y aura certitude qu’ils sont français ; mais comment acquérir cette certitude autrement qu’en pratiquant une visite ? Voilà ce qu’on aurait dû dire. Comment constater l’origine d’un bâtiment en pleine mer sans l’arrêter dans sa course, sans l’aborder, sans le soumettre à une inquisition plus ou moins blessante ? Le navire français qui n’éveillera aucun soupçon ne sera pas arrêté ; mais, s’il a le malheur de paraître suspect, il sera hélé par un croiseur anglais, sommé de s’arrêter et de se laisser aborder, contraint par la force, s’il refuse. Si l’examen de ses papiers de bord ne satisfait pas l’officier étranger, il devra laisser inspecter sa cargaison ; il pourra être saisi et conduit devant un tribunal étranger ; il sera exposé, en un mot, aux mêmes vexations dont le commerce français a eu à se plaindre sous l’empire des conventions de 1831 et 1833, et au sujet desquelles la chambre des députés s’est énergiquement prononcée.

Si l’on doutait que la visite opérée pour vérification de nationalité eût les mêmes caractères et entraînât les mêmes abus que la visite opérée pour réprimer la traite, il suffirait de comparer les instructions données par l’amirauté anglaise, le 12 juin 1844 ; aux officiers chargés spécialement de poursuivre les négriers, avec les instructions données le même jour pour la visite des navires soupçonnés d’arborer un pavillon qu’ils n’ont pas le droit de prendre. C’est qu’en effet il n’y a pas plusieurs manières d’exercer la police en pleine mer. La police maritime, sous quelque prétexte qu’on l’exerce, doit consister nécessairement dans une série d’investigations et de mesures préventives : 1° l’enquête orale qui se fait à bord des navires ; 2° la visite des papiers ; 3° la recherche à bord, comme disent les Anglais, c’est-à-dire la visite du bâtiment et de la cargaison 4° la saisie provisoire, sauf réparation en cas d’abus.

Il arrivera le plus souvent que la visite opérée pour vérification de la nationalité se bornera à l’enquête orale et à l’examen des papiers. Il ne faut pas croire que ces formalités soient insignifiantes : le simple interrogatoire que le capitaine et l’équipage du navire abordé sont, obligés de subir présente des inconvéniens réels. C’est chose grave que de mettre fréquemment les équipages de nos navires marchands en présence d’une sorte de gendarmerie étrangère, qui peut, à part